Daniel Pendanx, Le pistolet du poète

lundi 11 janvier 2016
par  P. Valas

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Daniel Pendanx, Le pistolet du poète.

Les fêtes sont passées, mais le Père Noël, le Père Noel de la psychanalyse et du travail social, lui n’est pas rentré au pays, dans son foyer, le foyer du pouvoir imaginaire.

"Vous faites de la politique, mais de la plus mauvaise façon"

lança un jour Althusser, dans son acuité douloureuse, quelque temps juste avant le drame (le meurtre par lui de sa femme), à l’adresse des lacaniens…

Le propos tomba à plat, et pour Cause… 

Les contre-discours politiques, fabriqués pour tout confondre (par exemple le poétique et le dogmatique), vont poursuivre, se poursuivre…

D’aucuns, se tenant et bouchant en vérité le lieu vide de la Référence, a contrario donc de ce qu’il me faut bien quand même appeler là, leur baratin, ne cesseront de distribuer plus ou moins naïvement leurs indulgences aux bons militants de la bienfaisance réparatrice, thérapeutique et superviseuse…

Les plus productifs, instillant/cristallisant la perversion des registres, se sont depuis longtemps constitués comme une espèce d’épiscopat, de bons Docteurs (regardez de ce côté-là combien les auto-répertoriés de Wikipedia adorent lister leurs titres universitaires, sous les signifiants du « poète » et du « psychanalyste » s’il vous plaît !) qui, tels les managers, se donnent un droit absolu à l’innocence. La formule, je n’ai nulle illusion, n’en sera pas méditée.

Comme tout notable, peu ou prou néo-féodal, ce n’est pas demain la veille qu’ils accepteront de reconnaître et encore moins de mettre en question leurs abus de pouvoir : j’entends là d’abord tout ce qu’il en est de la manipulation la plus commune du transfert institutionnel, du transfert politique (ou amour politique) des sujets auxquels ils s’adressent.
Ils construisent la nouvelle (vieille) légende pour les masses, tout en redorant par la bande le blason de ceux qui se tiennent au ciel des chefs. Ils modernisent ainsi, sous l’emblématique dernier cri du discours « psychanalytique » – pauvre psychanalyse ! – la vieille classification de l’humanité institutionnelle en deux espèces, celle d’en haut, celle d’en bas, tout en s’efforçant de redonner fière allure au vieux principe d’autorité.

De ce discours a participé à plein régime le propos prétendument psychanalytique sur la dite « place d’exception » , propos impliquant la position de discours de ces superviseurs qui, quelles que soient leurs circonvolutions et leurs défenses, participe en vérité (quant à l’économie de représentation, l’économie institutionnelle de représentation qui s’y engage) d’une majoration du signe hiérarchique.

De ce discours, malheureusement repris et transporté par ces prétendus superviseurs auto-fondés et légitimés comme tels par des boutiques diverses – discours dont la fonction d’accompagnement de l’omnipotence techno-gestionnaire et du clivage reste méconnue –, les managers les plus malins font leur beurre.
Voilà comment la psychanalyse, entendons là une psychanalyse sans rigueur, détournée de sa scène, des limites de son discours, emblématisée au lieu de l’Autre absolu, de la Référence, se trouve perversement participer d’un refoulement « politique » clef : en écrasant toute possibilité vraie d’ouvrir la mise en question et l’élaboration du sens de l’institution.

Par exemple, j’attends toujours quelque propos d’interprète sur le sens des montages institutionnels de la protection administrative et judiciaire de la protection de l’enfance, quelque accusé de réception, pardonne moi lecteur, de mon travail en la matière.

Sous l’antienne du juridisme médico-psycho pédagogique, puis du psychanalysme, du lacanisme, je n’ai pas vu que depuis des décennies cette question du sens de l’institution n’ait été sans cesse détournée vers la nouvelle croyance, la nouvelle illusion, noyée sous les discours de remplissage, autrement dit, que la question de l’idéal et du mythe qui soutiennent l’institution – la question du fond (généalogique) qui la porte – , n’ait été tout aussi soigneusement circonscrite et refoulée par ceux là qu’elle ne l’a été par la technocratie comportementaliste.

Une technocratie managériale dont au final, sous leurs grands airs, ces discours demeurent serfs.

Ils en ont fait et continuent d’en faire le lit, tout en la dénonçant abstraitement !
Alors comment s’étonner – je me suis longtemps étonné, et j’ai longtemps, et naïvement, essayé de « dialoguer », alors même qu’ils ne cessaient de m’attendre comme leur seul « pendant » (sans x !) – que ceux là, verrouillant la vieille division sociale du travail [ce qui d’ailleurs explique la proximité de certains d’entre eux avec le communisme institutionnel, dont ils semblent ne pas vouloir savoir justement le fonds commun, quant à cette affaire de la division sociale du travail et du pouvoir, avec les autres ismes…], sortent leur pistolet de poète (ou de psychanalyste) dès qu’ils entendent les signifiants honnis, les mots « dogmatique », « oedipe », « fantasme », « logique du fantasme » ?.

Patrick, bonjour

J’ai pensé que ce petit texte-éditorial, déjà placé dans une première version sur le site Rezo du travail social (le site de Rouzel), pouvait, un peu modifié, peut-être prendre place sur le tien. J’y relève, ce par rapport à quoi j’ai me semble-t-il lu bien des fois ton écart, cette façon de brandir le poème ou le discours analytique dans une position de discours qui, en vérité, reste à ce moment là tout à fait contraire, autre que celle prétendue. Il s’établit ainsi – les milleriens, avec leur agit-propagande, en sont un exemplaire remarquable -, une perversion redoutable, parfois fascinante, des ordres et des registres du discours, de la parole.

Amitiés, et bonne année à toi
Daniel Px


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