Passe et fin d’analyse

jeudi 15 avril 2010
par  P. Valas

La passe et la fin de l'analyse dans les séminaires et les Écrits de Lacan
 

PASSE ET FIN D’ANALYSE

Lors de la soirée d’enseignement des cartels de la passe du 4 octobre 1984.

Patrick Valas a présenté un exposé articulé en trois parties :

- Avec Freud - Après Freud - Avec Lacan.

Nous publions ici la troisième partie :

AVEC LACAN

… D’emblée la rupture est consommée avec les post-freudiens.

Lacan, dès Le stade du miroir, montre que le moi est loin de remplir une fonction de synthèse permettant à l’homme d’y trouver les assises de son autonomie, ce qui se savait déjà depuis un certain temps.

Il ajoute,ce qui est le plus important, que non seulement le moi a une fonction de méconnaissance du principe de l’aliénation imaginaire, mais qu’en plus il n’a de consistance que parce que le rapport du sujet à l’image narcissique est réglé par la dimension symbolique.

A partir de son postulat que "l’inconscient est structuré comme un langage", Lacan va donner plusieurs conceptions de la cure et de son terme.

Du discours de Rome 1953 à L’Instance de la lettre dans l’inconscient ou la raison depuis Freud, 1957.

Le sujet ne peut saisir son désir que dans sa parole adressée à
l’analyste pour sa reconnaissance.

L’objet premier du désir est sa reconnaissance même qui passe par la médiation de l’autre.

Le désir est donc soumis aux lois de la parole, il insiste alors, indestructible, jusqu’à être reconnu.

En cette période, Lacan encore hégélien, pense que le sujet peut trouver le principe de son identité dans sa reconnaissance. La fin de l’analyse serait
alors dans l’accord du sujet avec son désir reconnu et assumé.

"Là où c’était je dois advenir" est la traduction du Wo es war
soll Ich werden
.

Après "L’instance de la lettre…" et jusqu’à Position de l’inconscient, 1966.

En substituant l’Autre du signifiant à l’Autre de la parole, Lacan déplace l’accent de la cure.
Dès lors le désir du sujet n’est plus soumis aux lois de la parole pour sa reconnaissance, mais par le moyen de la parole pour sa reconnaissance aux lois du langage.

Autrement dit, le sujet est toujours plus séparé de son désir au fur et à mesure qu’il s’avance dans la parole de sorte qu’il ne peut plus le reconnaître, il faut le lui interpréter.

Cette relative antinomie de » lois de la parole et du langage aura une conséquence majeure. La fin de l’analyse n’est plus l’accord du sujet à son désir, mais l’avènement de sa propre destitution subjective, de son manque-à-être.

Mais Lacan ne restera pas sur cette promotion de l’Etre-pour-la-mort où sont restés en panne nombre de ceux qui croyaient le suivre.

En effet, il a très vite désigné une possibilité de franchir cette limite en impasse de la castration.

Des Quatre, concepts fondamentaux de la psychanalyse, 1964, à La Proposition d’octobre 1967.

Pendant cette période, Lacan commence à élaborer la passe au-delà du roc de la castration.

S’il peut le faire, c’est qu’entre temps il a inventé l’objet (a), constituant l’être du sujet qui se distingue du sujet barré pour le signifiant.

L’objet (a) est le produit de l’opération signifiante dont le sujet est l’effet. Ce qui revient à dire que si tout n’est pas signifiant tout est structuré.

A côté du $, l’avènement de l’être du sujet devient un enjeu majeur pour la psychanalyse.

Dans son séminaire sur La logique du fantasme(1967), Lacan va précisément développer le rapport d’articulation entre le sujet et 1’objet, dans leur conjonction et leur disjonction, ce qui correspond à l’inscription du sujet dans l’Autre du signifiant.

Soit le procès d’aliénation qui ne va pas sans le procès de séparation dans l’acte analytique, car c’est bien de cela dont il s’agit dans la cure.

Si l’intérêt se centre sur le fantasme (il permet d’ailleurs de rapporter les signifiants structurants le symptôme au désir de l’Autre), c’est parce qu’il n’est plus pour Lacan simplement fantaisie imaginaire, voire scénario, mais axiome, en tant qu’il a une signification absolue.

Il fait fixion autre du réel, c’est une structure, et comme telle, son parcours logique doit permettre d’en déchaîner les éléments qui la constituent.

La passe, que Lacan désigne de la traversée du fantasme, n’est pas à entendre comme la traversée d’un cerceau de papier.

La passe, que Lacan désigne de la traversée du fantasme, n’est pas à entendre comme la traversée d’un cerceau de papier, ce quî ferait référence à l’image narcissique, mais parcours logique du battement de sa structure.

Voici le schéma qui nous est donne dans

La logique du fantasme

( 1967), repris dans le séminaire l’Acte analytique, 1968, (transcription à télécharger sur le site).

Nous allons montrer comment se noue et se dénoue le rapport d’articulation du sujet à l’Autre.
 
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En haut à droite : on a le cogito lacanien, obtenu par transformation du cogito cartésien.

Cette transformation est légitimée par le fait qu’entre l’être (où « Je ne pense pas ») et la pensée (où « Je ne suis pas »), il y a une disjonction, si l’hypothèse de l’inconscient est vraie.

On fait ainsi la distinction entre le sujet de l’énoncé et le sujet de 1’énonciation confondue chez Descartes, au niveau où les deux cercles s’intersectent.

Ce point nous sert à désigner le lieu mythique de la pulsion où se répète l’articulation du sujet à l’Autre.

Le sujet interdit s’y divise ($) de s’offrir comme objet (a) au désir de l’Autre, dans l’appel de sa demande (Che vuoi ?).

La cure va se dérouler selon l’alternance de l’aliénation et de la séparation du fait de l’interprétation du désir dans l’acte analytique :

- La règle fondamentale consiste pour le sujet à dire les pensées qui le traversent sans réfléchir.

C’est, pour lui, reconnaître l’assujettissement de son être comme objet dans une pen¬sée qui n’est pas-Je .

Sur le schéma, il s’agit de 1’opération-aliénation, le choix de l’alternative du « Je ne pense pas » . Exemple « II me vient à l’idée que je suis la préférée de mon père. Je suis l’objet de cette pensée ».

- Cette opération-aliénation ne va pas sans l’engagement de l’opération-vérité, où s’opère la séparation du fait de l’interprétation.

On passe à l’alternative du «  Je ne suis pas  ». C’est du désir du sujet dont il s’agit, la vérité de son désir qui est le désir de l’Autre, et non sa réalité, dans les pensées qui l’agissent.

Impossible au sujet de le dire, car il reste inter-dit ($), inconscient, au moment de son avènement au lieu de l’Autre.

Il faut le lui interpréter.

- La passe consisterait dans ce mouvement de la structure, par où, du fait de l’alternance répétée de ces deux opérations, vient le moment où le champ du «  Je ne pense pas  » recouvre le champ du «  Je ne suis pas  ».

Émerge alors l’impossible à dire de l’inconscient sous la forme de la castration (-phi) éprouvée dans la destitution subjective, tandis que le champ du « Je ne suis pas » vient recouvrir le champ du « Je ne pense pas » , c’est-à-dire du ça, d’où émerge sous la forme de l’objet ( a ) l’être du sujet.

Le «  Je suis ça  » correspond au «  Tu es cela  » du Stade du miroir.

Le moment de la passe se qualifierait donc de cette double émergence en chiasme du (-phi) du côté de 1’inconscient,et de l’objet (a) du côté du ça :

- Ce qui va apparaître au lieu du sujet supposé savoir (point 4) par l’opération du transfert, c’est la disjonction du (-phi) et de l’objet (a) produisant de ce fait la chute du sujet supposé savoir : cette soufflure de savoir frappé par le desêtre dès qu’émerge ce qui lui a donné son assise, l’être même du sujet.

- Au moment où le sujet divisé fait l’épreuve de suspendre ce savoir, il est amené au bord d’un acte, il ne peut le faire qu’à s’autoriser de lui-même, c’est-à-dire le supporter de son être même, objet (a), pour inventer un nouvel ordre de savoir, un nouvel agencement des signifiants de son désir.

Savoir qu’il transmet à son insu, et dont la saisie hors analyse dans une procédure spécifique permettrait d’authentifier comme la passe de l’analysant à l’analyste.

En supposant effectuée la passe, ce qui est encore pour chacun à démontrer, la tâche dont nous sommes chargés sur notre demande dans cette Ecole, c’est pour nous, membres des cartels, de l’authentifier.

Si nous savons que nous ne partons pas de rien, c’est la raison de ce parcours, nous savons aussi que nous avons hérité de ce que sa saisie, dans la procédure de l’E.F.P., fut un échec.

En ce qui nous concerne, pour l’instant, il semble que la structure du cartel, pour recevoir les témoignages des passeurs, soit propice à un travail dont la fécondité vous apparaîtra bientôt,je l’espère à la mesure de votre attente légitime.

J’en termine avec ce qui sera pour l’instant ma seule contribution personnelle à cette affaire.

Après tout, même passe effectuée, la psychanalyse ne consiste pas à supprimer les symptômes du sujet, même si elle peut les simplifier.

Elle consiste essentiellement à savoir dans quoi le sujet est empêtré (la passe à l’occasion peut lui permettred’en saisir certains reliefs).

A cet égard, un analyste a des symptômes, ce qui ne l’invalide pas pour autant dans sa fonction, à ceci près qu’en principe il n’a plus la possibilité du recours au sujet supposé savoir pour se décharger de sa responsabilité.

Lacan nous disait, qu’en ce qui le concernait, il ne cessait jamais de passer pour prendre la mesure de son acte.

Lacan n’est pas resté sur cet échec de la passe. C’est, me semble-t-il, la raison qui l’a poussé à articuler au-delà du fantasme

la structure du Sinthome comme le nouage dernier du R.S.I. enserrant dans leur bouclage l’objet (a).

Sinthome à quoi l’analyste doit coller en tant qu’il fait bord, limite pour lui entre le désir de l’analyste qui est un désir ne se soutenant pas du fantasme et sa propre jouissance à laquelle il doit renoncer s’il veut opérer.

C’est une position éthique.

Ce dont il s’agit pour l’analyste est de savoir-y-faire avec son symptôme, ce qui lui est rendu possible par la distance prise avec lui par le repérage de la place de l’objet (a) dans le dispositif. Il y est en principe parvenu au moins une fois.

Il doit, il devrait y revenir sans cesse.

Le savoir-y-faire est bien différent du savoir faire, lequel résulte de l’identification du sujet au symptôme et constitue par là même un repérage insuffisant du désir de l’analyste.

En 2005 Colette Soler commence à élaborer ce que Lacan va nommer l’inconscient réel.

Elle va déplier cela dans son séminaire pour en produire l’élaboration logique dans son livre L’inconscient réinventé. Paris, PUF, Septembre 2009.

Au moment de la rédaction mon texte, en 1984, je faisais état de mon expérience clinique dans un des premiers cartels de la passe dont je faisais partie à l’École de la cause freudienne.

Je ne pouvais pas encore aller au-delà.

J’ai cependant toujours privilégié la clinique.

La théorie psychanalytique, n’est pas figée une fois pour toute, elle se doit de suivre le mouvement de la pratique, et se renouveler en fonction de ce qui lui vient d’elle, soit l’invention d’un nouveau réel, spécifique à chacun dans sa différence absolue.

Si les psychanalystes refusent d’entendre cela, alors la psychanalyse, dont Colette Soler dit justement qu’elle est à la merci des psychanalystes, est foutue.

Patrick Valas, 15 mars 2010.
 
Passe et fin d'analyse 3


Commentaires  Forum fermé

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Passe et fin d’analyse
mardi 3 juin 2014 à 18h09 - par  Jeffry22

Ce site a clairement sa place dans mes marque-page, sans compter qu’il se révèle être souvent dur de tomber sur des sites ergonomiques.

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Passe et fin d’analyse
dimanche 9 septembre 2012 à 15h19

Bjr
j’éprouvais le besoin de relire ce que vous aviez ecrit sur la passe . Du temps à passé depuis ma passe et je peux me retourner , des symptomes et encore des symptomes (ennuyeux parfois) que j’ai pu reperer vite fait tjrs en lien avec la pulsion orale .J ’apprecie bcp le fait de rappeler que l’analyste a aussi des symptomes dont il se débrouille autrement , analyste trop svt peçu comme asséché , aseptisé , la faute à certains ? peut etre .
cathy R