Jacques Lacan, clôture du congrès de l’École Freudienne de Paris sur la transmission de la psychanalyse

dimanche 1er décembre 2013
par  P. Valas

Jacques Lacan, clôture du congrès de l’École Freudienne de Paris sur la transmission de la psychanalyse.

transmission


9e Congrès de l’École Freudienne de Paris sur « La transmission » . Parues dans les Lettres de l’École, 1979, no 25, vol. II, pp. 219-220.

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j lacan cloture des journées sur la transmission 1978

JACQUES LACAN – Je dois conclure ce Congrès. C’est tout au moins ce qui a été prévu.

Freud s’est vivement préoccupé de la transmission de la psychanalyse.

Le comité qu’il avait chargé d’y veiller s’est transformé dans l’institution psychanalytique internationale, l’I.P.A.

Je dois dire que l’I.P.A., si nous en croyons notre ami Stuart Schneiderman, qui a parlé hier, pour l’instant n’est pas vaillante.

Il est certain que ce Congrès représente, avec cette salle pleine, quelque chose qui équilibre l’I.P.A.

Freud a inventé cette histoire, il faut bien le dire assez loufoque, qu’on appelle l’inconscient.

Freud, désignant ce qu’il appelait sa « bande », sans qu’on sache très bien si « sa bande », ça doit s’écrire « ç-a », Freud a inventé cette histoire, il faut bien le dire assez loufoque, qu’on appelle l’inconscient ; et l’inconscient est peut-être un délire freudien.

L’inconscient, ça explique tout mais, comme l’a bien articulé un nommé Karl Popper, ça explique trop.

C’est une conjecture qui ne peut pas avoir de réfutation.
On nous a parlé de sexe sans sujet.

Est-ce que ça veut dire pour autant qu’il y aurait un rapport sexuel qui ne comporterait pas de sujet ?

Ce serait aller loin ; et le rapport sexuel, dont j’ai dit qu’il n’y en avait pas, est censé expliquer ce qu’on appelle les névroses.

C’est ce pourquoi je me suis enquis de ce que c’était que les névroses.

J’ai essayé de l’expliquer dans ce qu’on appelle un enseignement. Il faut croire que quand même cet enseignement a eu un certain poids puisque j’ai réussi à avoir toute cette assistance.

Cette assistance, je dois dire, ne m’assiste pas.

Je me sens au milieu de cette assistance particulièrement seul.

Je me sens particulièrement seul parce que les gens à qui j’ai affaire comme analyste, ceux qu’on appelle mes analysants ont avec moi un tout autre rapport que cette assistance.

Ils essaient de me dire ce qui chez eux ne va pas.

Et les névroses, ça existe.

Je veux dire qu’il n’est pas très sûr que la névrose hystérique existe toujours.

Je veux dire qu’il n’est pas très sûr que la névrose hystérique existe toujours, mais il y a sûrement une névrose qui existe, c’est ce qu’on appelle la névrose obsessionnelle.

Ces gens qui viennent me voir pour essayer de me dire quelque chose, il faut bien dire que je ne leur réponds pas toujours.

J’essaie que ça se passe ; du moins je le souhaite.

Je souhaite que ça se passe, et il faut bien dire que beaucoup de psychanalystes en sont réduits là.

C’est pour ça que j’ai essayé d’avoir quelque témoignage sur la façon dont on devient psychanalyste : qu’est-ce qui fait qu’après avoir été analysant, on devienne psychanalyste ?

Je me suis, je dois dire, là-dessus enquis, et c’est pour ça que j’ai fait ma Proposition, celle qui instaure ce qu’on appelle la passe, en quoi j’ai fait confiance à quelque chose qui s’appellerait transmission s’il y avait une transmission de la psychanalyse.

Tel que maintenant j’en arrive à le penser, la psychanalyse est intransmissible.

C’est bien ennuyeux. C’est bien ennuyeux que chaque psychanalyste soit forcé – puisqu’il faut bien qu’il y soit forcé – de réinventer la psychanalyse.

Si j’ai dit à Lille que la passe m’avait déçu, c’est bien pour ça, pour le fait qu’il faille que chaque psychanalyste réinvente, d’après ce qu’il a réussi à retirer du fait d’avoir été un temps psychanalysant, que chaque analyste réinvente la façon dont la psychanalyse peut durer.

J’ai quand même essayé de donner à cela un peu plus de corps ; et c’est pour ça que j’ai inventé un certain nombre d’écritures, telles que le S barrant le A, c’est-à-dire ce que j’appelle le grand Autre, car c’est le S, dont je désigne le signifiant qui, ce grand A, le barre ; je veux dire que ce que j’ai énoncé à l’occasion, à savoir que le signifiant a pour fonction de représenter le sujet, mais et seulement pour un autre signifiant – c’est tout au moins ce que j’ai dit, et il est un fait que je l’ai dit – qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que dans le grand Autre, il n’y a pas d’autre signifiant.

Comme je l’ai énoncé à l’occasion, il n’y a qu’un monologue.

Alors comment se fait-il que, par l’opération du signifiant, il y ait des gens qui guérissent ?

Car c’est bien de ça qu’il s’agit.

C’est un fait qu’il y a des gens qui guérissent.

Freud a bien souligné qu’il ne fallait pas que l’analyste soit possédé du désir de guérir ; mais c’est un fait qu’il y a des gens qui guérissent, et qui guérissent de leur névrose, voire de leur perversion.

Comment est-ce que ça est possible ?

Malgré tout ce que j’en ai dit à l’occasion, je n’en sais rien.

C’est une question de truquage.

Comment est-ce qu’on susurre au sujet qui vous vient en analyse quelque chose qui a pour effet de le guérir, c’est là une question d’expérience dans laquelle joue un rôle ce que j’ai appelé le sujet supposé savoir.

Un sujet supposé, c’est un redoublement. Le sujet supposé savoir, c’est quelqu’un qui sait.

Il sait le truc, puisque j’ai parlé de truquage à l’occasion ; il sait le truc, la façon dont on guérit une névrose.

Je dois dire que dans la passe, rien n’annonce ça ; je dois dire que dans la passe, rien ne témoigne que le sujet sait guérir une névrose.

J’attends toujours que quelque chose m’éclaire là-dessus.

J’aimerais bien savoir par quelqu’un qui en témoignerait dans la passe qu’un sujet – puisque c’est d’un sujet qu’il s’agit – est capable de faire plus que ce que j’appellerai le bavardage ordinaire ; car c’est de cela qu’il s’agit.

Si l’analyste ne fait que bavarder, on peut être assuré qu’il rate son coup, le coup qui est d’effectivement lever le résultat, c’est-à-dire ce qu’on appelle le symptôme.

J’ai essayé d’en dire un peu plus long sur le symptôme.

Je l’ai même écrit de son ancienne orthographe.

Pourquoi est-ce que je l’ai choisie ? s-i-n-t-h-o-m-e, ce serait évidemment un peu long à vous expliquer.

J’ai choisi cette façon d’écrire pour supporter le nom symptôme, qui se prononce actuellement, on ne sait pas trop pourquoi « symptôme », c’est-à-dire quelque chose qui évoque la chute de quelque chose, « ptoma » voulant dire chute.

Ce qui choit ensemble est quelque chose qui n’a rien à faire avec l’ensemble.

Un sinthome n’est pas une chute, quoique ça en ait l’air.

C’est au point que je considère que vous là tous tant que vous êtes, vous avez comme sinthome chacun sa chacune.

Il y a un sinthome il et un sinthome elle.

C’est tout ce qui reste de ce qu’on appelle le rapport sexuel.

Le rapport sexuel est un rapport intersinthomatique.

C’est bien pour ça que le signifiant, qui est aussi de l’ordre du sinthome, c’est bien pour ça que le signifiant opère.

C’est bien pour ça que nous avons le soupçon de la façon dont il peut opérer : c’est par l’intermédiaire du sinthome.

Comment donc communiquer le virus de ce sinthome sous la forme du signifiant ?

C’est ce que je me suis essayé à expliquer tout au long de mes séminaires.

Je crois que je ne peux pas aujourd’hui en dire plus.


Commentaires  Forum fermé

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Jacques Lacan, cl
mardi 29 septembre 2015 à 02h46 - par  Aimee Muncy

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