Jacques Lacan, l’Imaginaire pris comme moyen, c’est là le fondement de la vraie place de l’amour.

samedi 3 novembre 2018
par  P. Valas

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Je pense qu’ici c’est-à-dire l’Imaginaire pris comme moyen, c’est là le fondement de la vraie place de l’amour.

Comment a pu se produire ce déplacement, après tout fécond, qui dans l’amour chrétien situe l’amour à la place — vous verrez à la fin pourquoi — à la place qui me semble être celle du désir ?

Ce que le Christ enseigne. Je parle pas de sa Passion, qui est la passion du signifiant, je parle de son dire.

La chose n’a été possible — et c’est en cela que je parle de quelque chose à quoi j’ai un peu pensé, hein — c’est de ce que le Christ enseigne.
Je parle pas de sa Passion, qui est la passion du signifiant, je parle de son dire.
Je parle de son dire !
Imitez le lys des champs, qu’il profère.
Il ne tisse ni ne file, dit-il.
Et c’est là le point important : cette méconnaissance de la présence dans la nature de ce que le savoir a mis quelque temps à découvrir, à savoir que, qu’est-ce qui a plus tissé et plus filé que le lys des champs ?
Proférer, articuler ceci comme modèle, c’est là, proprement, ajouter à la méconnaissance la dénégation, et la dénégation de quoi ? puisque ce n’est qu’une métaphore ?

La dénégation de l’inconscient.

À savoir de ce qu’il tisse et qu’il file, ce savoir sans quoi il n’y a pas de juste situation de l’amour si ce en quoi consiste l’amour, c’est très précisément ce dire, ce dire qui part, remarquez-le, de l’Imaginaire pris comme moyen. Ce qu’il y a dans l’amour courtois, c’est que ce qui restait encore dans Platon suspendu à l’imaginaire du beau, c’est cela qui se cristallise, qui, dans l’amour comme moyen, prend corps, à l’opposé si je puis dire, car tout ceci peut se faire, s’articuler par une série triple d’oppositions, à l’Imaginaire de l’amour tel qu’il s’articule dans le Banquet, s’oppose à le prendre comme moyen de ce qu’il en est de l’amour courtois.
Chose qui mérite d’être avancée. Ne croyez pas que, si j’ai dit que l’amour divin a pris la place du désir, ça veuille dire que ce soit tout simple, qu’il faille les remettre à leur place, à savoir que chacun reprenne la sienne ; c’est pas du tout ce qui est arrivé.

Si l’amour courtois a été, si je puis dire, vidé de sa place, pour à la place du désir présider à l’ascension d’un amour chrétien, ça ne veut pas dire que le désir est échangé : il a été poussé ailleurs.

Il a été poussé ailleurs, à savoir là où le Réel lui-même est un moyen entre le Symbolique et l’Imaginaire.
Et si ce Réel, c’est là l’audace, enfin, de mon interprétation d’aujourd’hui, enfin, de ce soir, — si ce Réel est bien la mort — c’est une figuration grossière mais si ce Réel est bien la mort, là où le désir fut chassé, si vous me permettez de parler en termes d’événement — là où le désir fut chassé, ce que nous avons, c’est le masochisme.

Là où le désir fut chassé, ce que nous avons, c’est le masochisme.

Non certes, bien sûr, en tant qu’il serait, en quoi que ce soit, le véhicule de la mort — ça il n’y a que les psychanalystes pour le croire, les pauvres petits, hein !

Instinct de vie, instinct de mort, il n’y a que de ça qu’ils s’occupent dans leur interprétation ils sont tout à fait à côté de la plaque — mais que ce soit le masochisme qui là les ait suscités, ça ne fait aucun doute, la jonction, l’emploi comme moyen, comme moyen pour unir, pour unir la jouissance et le corps, l’emploi comme moyen de cette perversion, est certes ce qui les attache.

Ce qui les attache, si je puis dire, pour un temps, enfin, irrémédiablement, ce sur quoi une partie de leur théorie est construite.
Il n’en reste pas moins que l’amour est le rapport du réel au savoir.
Et la psychanalyse, il faut qu’elle se corrige de ce déplacement, de ce déplacement qui tient à ce qu’après tout, elle n’a fait que suivre le virage hors place du désir, il faut bien qu’elle sache que si la psychanalyse est un moyen, c’est à la place de l’amour qu’elle se tient.
C’est à l’imaginaire du beau qu’elle a à s’affronter, et c’est à frayer la voie à un refleurissement de l’amour en tant que l’(a)mur, comme je l’ai dit un jour, en l’écrivant de l’objet petit a entre parenthèses plus le mot mur, puisque l’(a)mur c’est ce qui le limite.

L’amour est l’imaginaire spécifique de chacun, ce qui ne l’unit qu’à un certain nombre de personnes pas choisies du tout au hasard."

JL, in les non-dupes errent, 18 février 1973


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