Le transfert dans sa disparité subjective.

jeudi 11 octobre 2018
par  P. Valas

le transfert seuil
 

Le Groupe « Investigations conceptuelles et Pratiques (École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien. »

Pour cette année (2009-2010), lecture commentée du Séminaire de Lacan, Livre VIII- Le Transfert (année 1960-61- Intitulé par Lacan Le transfert dans sa disparité subjective) qui fait une large place au Banquet de Platon.

La banquet de Platon.

Rappelons que ce thème du transfert est celui du Collège clinique cette année :
La répétition à l’épreuve du transfert.

Dans le cadre des échanges entre les membres de notre Forum, nous vous proposons de suivre le travail de ce groupe du pôle 14 (Paris-Ile de France-Champagne nord) via les résumés des exposés qui s’y tiennent 2 fois par mois.

Si vous souhaitez nous rejoindre, notre prochaine réunion se tiendra lundi 10 mai avec les interventions de Frédéric Pellion et Martine Vienot sur les chapitres 22 et 23.

Séminaire de lecture du lundi animé par : Radu TURCANU, Olga MEDINA-MUNOZ, Hugues LIESE et Roseline LE CŒUR, (ponctuellement Frédéric PELLION)

Réunion tous les deuxième et quatrième lundis du mois, hors vacances scolaires à 19h.15 précises, au local EPFCL, 118 rue d’Assas, Paris 6e.

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Lecture du Séminaire VIII, Le transfert. [1960-61]

EXPOSÉS du 12 avril 2010

Résumé Chap. 20

« Le mythe d’Œdipe aujourd’hui ». « L’abjection de TURELURE » :

Œdipe ne savait pas qu’il avait tué son père et qu’il avait épousé sa mère et couché avec elle.

Hamlet sait que son père est mort et qu’il a été tué par son oncle, l’amant de sa mère.

C’est un père damné.

Hamlet aime son père et il veut le venger en tuant le frère de son père, Claudius.

Toutefois, il échouera une première fois dans son entreprise car Lacan nous révèle qu’inconsciemment Hamlet porte en lui le désir de sa mère c’est-à-dire qu’il s’identifie à son désir à elle qui est de préserver la vie de son amant.

Ce n’est pas le désir pour la mère mais le désir de la mère.

De ce fait il renonce à son propre désir dont l’objet est Ophélie.

Œdipe ne savait pas qu’il avait tué son père et qu’il avait épousé sa mère et couché avec elle.

Turelure lui n’est pas aimé.

Il boîte, comme la sœur aînée de Claudel, Camille.

Le nom propre de Claudel vient de claudicus : qui boîte

.

Dans la tragédie Le pain dur, nous voyons Turelure qui s’est remis en couple après la mort de son épouse, Sygne.

Il vit avec Sichel qui en réalité s’appelle Rachel et dont plus ou moins il a fait son esclave.

Elle s’occupe de ses comptes et a renoncé à son piano.

L’enfant de Sygne et de Turelure est devenu grand, il s’agit de Louis de Coûfontaine, un enfant non désiré par sa mère, qui est allé s’installer en Algérie mais il doit une somme importante à sa fiancée Lumir, polonaise en exil.

Cette dernière est venue en demander le remboursement à son père, Turelure car Louis est insolvable.

Sichel a appelé en secret Louis pour qu’il rentre en France.

En fait comme nous l’apprendrons plus tard, Sichel aime Louis.

Nous voyons que Lumir est prête à tout pour récupérer son argent ; cet argent en effet est sacré pour elle : il ne s’agit rien moins que des économies des Polonais en exil dont elle est la représentante.

Elle est même prête à coucher avec le vieux Turelure qui ne demande que cela car après avoir pris tout l’argent qui revient à son fils en rachetant ses terres, il ne serait pas mécontent de lui prendre aussi sa femme.

Il y a donc une très grande rivalité entre le père et le fils.

Au début de la pièce, nous voyons les deux femmes, Sichel, la maîtresse de Turelure, et Lumir, la maîtresse de Louis, comploter le meurtre de Turelure.

Louis arrive, elles lui proposent ce deal, comme dans un jeu de cartes, le Whist (l’ancêtre du bridge) et Louis est d’accord.

Finalement Turelure n’est pas tué par le coup de feu de Louis mais il meurt de lui-même, d’une crise cardiaque.

Il n’en demeure pas moins que Louis a voulu tuer son père et qu’il se sait en lui-même parricide, ayant prémédité et organisé la mort de son père.

Toutefois, par ce meurtre, il pourra accéder lui-même à la fonction de père, c’était sa seule chance dira plus loin Lacan, sinon il se trouvait dépossédé de tout (argent et femme) par son père.

Mais, contrairement à Hamlet, Louis n’aimait pas son père et c’est intentionnellement qu’il a voulu sa mort.

Contrairement à Hamlet, Louis n’aimait pas son père et c’est intentionnellement qu’il a voulu sa mort.

A la fin de la pièce les deux fiancés Lumir et Louis renoncent l’un à l’autre, Lumir part en Pologne et Louis épouse la femme de son père qui n’est pas sa mère et c’est là la topologie nouvelle du drame par rapport à Sophocle et à Hamlet de Shakespeare : la mère, Sygne, est morte depuis longtemps, elle est hors jeu, hors du jeu de cartes à quatre qui se joue entre Louis, Turelure, Sichel et Lumir.

Louis épouse la maîtresse de son père, Rachel, il se met au service des biens car c’est Rachel qui est riche ; de cette union naîtra leur fille, Pensée.

Une topologie nouvelle du drame par rapport à Sophocle et à Hamlet de Shakespeare.

Donc par rapport à Hamlet il y a une dévalorisation de la fonction paternelle, cette dernière s’est effacée.

En effet, Hamlet aime son père d’un amour absolu, pour lui son père est l’idéal de l’homme.

Au contraire pour Louis de Coûfontaine, son père est une abjection.

De plus par Freud la question du père a profondément changé (voir Totem et tabou et la découverte du complexe d’Œdipe dans lequel le jeune garçon veut inconsciemment la mort de son père pour coucher avec sa mère).

Dans sa clinique Lacan remarque que dans le fond du Grand Autre (A) de ses patients, il y voit de plus en plus la mère (au lieu du père), si bien que le désir est ramené au besoin et que si on suivait cette tendance jusqu’au bout le psychanalyste tiendrait la place de la mère, en l’occurrence la mauvaise mère, et non celle du père, ce qui n’est pas possible.

A noter aussi que le transfert que l’on constate dans l’analyse et mis au point par Freud tourne ici autour de la fonction du père (à noter que le transfert sera un des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse dégagés par Lacan).

La différence entre l’objet du désir et son instrument le phallus.

Seul l’objet du désir qui est manque (et non pas le besoin frustré) peut venir à la même place symbolique que l’instrument de son désir, à savoir le phallus qui est porté à la fonction de signifiant.

Sa place occupe celle du père mort, support de la Loi. C’est à ce niveau que se produit le phénomène du désir.

Turelure mort, un nouveau couple se forme : Louis et Sichel.

De cette union naît Pensée, elle représente la troisième génération, « la seule vraie ».

C’est une enfant désirée et future adulte désirante : c’est ce qu’on verra au chapitre suivant «  Le désir de Pensée  ». Contrairement à Louis, elle ne renoncera pas à son désir, «  elle ne se laissera pas faire  ».

Le cours de J.A. Miller 2010 : La vie de Lacan.

Dernier point : j’ai assisté au cours de Jacques-Alain MillerI intitulé «  Vie de Lacan  », le 24 mars dernier, au théâtre Dejazet.

Lacan, nous a-t-il dit, était peu prodigue en confidences, «  il se déplaçait dans un champ de forces repoussant toute inquisition ».

Le jeune Lacan présenté comme « un jeune fanfaron ne doutant de rien »

J.-A. Miller nous a appris qu’il avait découvert à la librairie Delamain, Place Colette, à Paris, un livre intitulé Lettres de Charles Maurras ; il y a trouvé une lettre de Mme Léon Daudet adressée à Charles Maurras lui recommandant le jeune Lacan présenté comme « un jeune fanfaron ne doutant de rien » qui voulait militer pour les actions de l’action française et qui annonçait son départ pour les colonies.

C’était sa révolte à lui.

Ce qui explique l’étrange éloge fait par Lacan dans ce chapitre, non pas du colonialisme, pour les enfants perdus de la culture chrétienne qui partent dans les colonies à la recherche du rejet de leur être de déréliction et de solitude.

Mais Lacan a choisi une autre voie.

C’est pourquoi J.-A. Miller a terminé ce jour son cours par cette phrase : « la psychiatrie au lieu de l’Algérie ».

Christiane Prévost

Résumé de la leçon XXI

Il ne faut pas oublier que le thème du Séminaire VIII c’est le transfert, et donc la direction de la cure.

La 3e génération des Coûfontaine et de Pensée.

Ainsi, si dans cette leçon Lacan parle de la 3e génération des Coûfontaine et de Pensée, c’est non pas pour mettre en avant la dimension chrétienne de la pièce de Claudel, qu’il souligne toutefois, mais plutôt le fait qu’il s’agit avant tout d’une affaire de transmission, de dette et du point d’où s’origine le désir.

C’est à travers la dimension tragique de la trilogie que se pose précisément ce problème de la transmission qui, contrairement à ce que pensait Hegel, n’est pas absorbé ou neutralisé dans le dogme chrétien, mais reste vif et actuel, car témoignant du vrai sens et de la tragédie et de la foi chrétienne.

Le vrai sens et de la tragédie (dans la trilogie de Claudel) et de la foi chrétienne.

En effet, la transmission ne se fait pas, ici mais aussi en analyse, par une reconnaissance, comme disait Hegel, mais plutôt par un dire que non (Versagung) à toute forme de reconnaissance.

Car la reconnaissance, du fait qu’elle est prise dans le registre du sens et dans le travail du signifiant, laisse de côté le hors sens résultant de l’opération signifiante, ce qui se situe non seulement au-delà du principe nirvanique du plaisir, mais aussi au-delà du bien et du… beau.

La question "qu’est-ce qu’un père ?", centrale dans la trilogie de Claudel, n’est pas sans la question "que veut une femme ?"(Lacan).

Ainsi, à la question "qu’est-ce qu’un père ?", centrale dans la trilogie de Claudel, Lacan nous explique qu’il faut ajouter une autre, freudienne elle aussi, à savoir "que veut une femme ?" (fin de la leçon).

Car la problématique du désir, de son origine et de son point d’articulation concerne, d’un côté le signifiant et son travail unique, qui rend la chose humaine possible, jusqu’à dans ce qu’elle peut révéler comme abjection, terreur et extermination chez le parlêtre, et de l’autre côté ce qui dit non au signifiant, au nom d’une cause, unique elle aussi, mais contingente quant à son rapport à la chaîne signifiante et à l’image phallique.

Pensée est donc ce sujet aveugle qui ne voit pas le corps imaginaire mais connaît le corps de jouissance, de la parole incarnée, représentant ainsi l’autre effet extrême de «  l’incidence du symbolique sur la chair ».

Il s’agit dans son cas de cet effet que constitue la proximité de la Chose à partir d’une jouissance autre - et non pas comme chez Turelure, illustrant quant à lui cette action extrême du signifiant qui finit en abjection.

Ce qui lui revient de sa mère, grâce aussi à ce sinthome qu’est pour elle Orian, c’est cette puissance de faire de la mort, de la pulsion de mort, non pas le terrible cauchemar de la race humaine, mais une création qui supporte la vie – ce que Freud et puis Lacan ont souligné à maintes reprises.

Sygne de Coûfontaine, un dire que non tout en se sacrifiant.

Car Sygne, tout en sacrifiant sa vie au nom de sa foi, ne sacrifie pas sa mort à cette même foi, montrant ainsi la vraie dimension tragique et de vérité de cette foi, à laquelle elle dit que non, précisément pour que quelque chose de son être de jouissance, comme femme, puisse rebondir à la 3e génération, chez Pensée.

C’est, il me semble, le sens que l’on peut donner à l’interprétation que fait Lacan de la scène finale où Pensée sent son enfant bouger dans son ventre au moment même où elle s’imprègne de l’âme d’Orian, mort sur le champ de bataille.

Radu TURCANU.
 
transfert et ses errata
 
Sur le site de l’École Lacanienne de Psychanalyse :

Le transfert, en version critique.

Vous pouvez désormais comparer plusieurs versions sensiblement différentes du séminaire Le Transfert : les deux parues déjà au Seuil, puis celle offerte par stécriture voici déjà dix-sept ans, désormais téléchargeable sur ce site, en format Word. (Attention à la taille du document : 2,9Mo, 303 pages. Par ailleurs, pour profiter pleinement de ce document, n’oubliez pas, si vous ne l’avez déjà fait, de télécharger les polices grecques offertes avec le Pas-tout-Lacan. Le mode d’emploi donné pour l’ensemble des textes est valable aussi pour ce séminaire.)

Télécharger :
Le transfert dans sa disparité subjective, sa prétendue situation, ses excursions techniques.


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