ou comme multiplicité de trajectoires
Titre : Le Sabre et le Pinceau :
Je l’emprunte à Maître Akeujédy.
Sa calligraphie « Voir et trancher » est accompagnée de ce Budô den-sho, que je dédie à Jacques Lacan :
Sabre qui pointe.
Du fil de la lame — arrêt !
Je stoppe l’élan.
Et derrière moi, je sens,
la lune à un demi-pas.
Mon premier Lacan, c’est le Docteur Jacques Lacan. Je ne le connaissais pas.
J’aurais pu le rencontrer rue Saint-Benoît, le soir.
L’aurais-je vu, je n’aurais pas su qui il était, lui-même me voyant ne m’aurait prêté la moindre attention.
Je n’ai jamais eu de maîtresse qui aurait été, l’était ou deviendrait l’une des siennes.
Pourtant, plus tard, je lui ai adressé de nombreuses femmes. Quelques unes ont fait leur analyse avec lui.
Parfois, il me demandait ce que je pensais de telle ou telle qu’il venait de recevoir.
Invariablement, je lui répondais : « La trouvez-vous belle ? »
Il ne m’a jamais envoyé de "client".
J’ai entendu parler de lui pour la première fois par un ami : un monsieur très important, nous passions rue de Lille. « Patrick » me dit-il « Ici habite le Dr Lacan, psychanalyste de renommée mondiale. » Il était allé le voir pour lui proposer d’écrire un livre sur le Général de Gaulle en collaboration avec lui.
Lacan a refusé.
J’entendais cela, je n’en avais cure.
J’avais 22 ans, j’étais en troisième année de médecine. Je me destinais à devenir chirurgien.
On me disait d’une habilité manuelle exceptionnelle.
J’avais les yeux froids comme les mains d’un serpent.
Mon deuxième Lacan, celui du signifiant, je l’ai rencontré par hasard.
Désœuvré, mai 1968 s’éloignant, je suis tombé sur un pavé blanc avec écrit dessus en rouge :
Jacques Lacan
Écrits
J’ai trouvé ça plus pimenté que mes lectures du moment : Bataille, Klossowski, les Situationnistes, Lautréamont et « Voyage au bout de la nuit ».
Une phrase des Écrits est gravée pour toujours dans ma mémoire :
« … c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir la voie de son sens, dans une fraternité discrète, à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux. »
J’allais parfois à son séminaire et, un jour, pour la première fois à sa présentation de malade à Sainte-Anne.
Bouleversé d’horreur parce ce que j’y voyais, je l’ai apostrophé à la sortie :
« Vous pouvez être fier de vous, on se croirait au cirque Médrano. Sans doute êtes-vous sourd, vous avez fait répéter cinq à six fois des mots à cette dame que j’entendais parfaitement au fond de la salle. »
Il me répliqua : « Mais pas du tout, pas du tout, pas du tout, vous n’y êtes pas.
Ce n’est pas le cirque.
Mais vous me dites là des choses très, très, très intéressantes, on aura sûrement l’occasion d’en reparler. »
Il tourna les talons et s’éloigna.
Une invite pareille ne pouvait se refuser : deux jours plus tard je l’appelais.
« Passez-moi Lacan » dis-je à la voix féminine qui me répondait.
— Lui aussitôt : « C’est pourquoi ? »
— Moi : « C’est pour vous voir »
— Lui : « Pourquoi faire ? »
— Moi : « Eh ! bien pour vous voir. »
— Lui : « Oui, mais pourquoi faire ? »
— Moi : « Mais pour pouvoir vous le dire, il faudrait que je puisse vous voir. »
— Lui : « Comment ?
Vous n’êtes pas fichu de me le dire au téléphone ? »
— Moi : « Bon… alors et… ben… c’est pour faire une analyse. »
— Lui : « Ah ! c’est pour ça, pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ? Venez demain à 9 h 37 »
(En mon for intérieur je me disais « en voilà un qui doit avoir des problèmes de rendez-vous ».)
Le lendemain, je l’attendais dans le petit salon, sur le crapaud.
Il arriva de je ne sais où, un peu penché, ouvrant sa main droite comme un éventail baissé, en me disant :
« Venez, cher. »
J’ai longtemps été convaincu d’être le seul qu’il appelait ainsi.
« Alors ? » Me demanda-t-il.
— Moi : « Je suis très impressionné d’être là devant vous, j’ai les jambes qui tremblent. »
— Lui : « Raison de plus de ne pas faire une analyse avec moi. »
Je me suis dit :
« Là, il va falloir me tenir à carreau. » Je ne sais pas ce que j’ai bien pu bafouiller ; ce fut assez bref.
« Combien pouvez-vous me payer, je ne voudrais pas trop grever votre budget. »
J’avais 100 balles, je lui tends le billet, il le prend en disant « c’est ça, vous viendrez mardi à 9 h 57, mercredi à 10 h 23 et vendredi à 14 h 44. »
Je me suis dit "voilà un homme qui a des problèmes avec les horaires".
Nous étions en janvier.
À la mi-juillet, ma banque me convoque.
Je risque un interdit bancaire car j’ai émis un chèque en bois.
Ce n’était pas la première fois.
Impossible d’identifier la personne qui avait présenté le chèque, alors que je savais parfaitement que je le lui avais donné.
Il utilisait donc mes chèques, comme de simples billets de banque. Indifférent au fait que je le paie en liquide ou en chèque, en fonction de mes liquidités.
Je lui racontais en râlant ma mésaventure, "Eh ! bien » dit-il « désormais vous paierez en liquide, comme ça vous pourrez partir tranquille en vacances.
Mais, au fait, où allez-vous ? »
« En Inde, Monsieur »
Lui : « Comment !
Mais ce n’est pas le pays de la princesse lointaine, encore moins celui de la carte du tendre… »
Il faut dire qu’au fil des entretiens préliminaires, il semblait de plus en plus que je lui demandais de me débarrasser de la jouissance d’une femme qui ne me désirait pas.
J’étais devenu le Charlot d’une Charlotte, pour de vrai et de réel.
De l’Inde, j’envoyais cette petite carte à Lacan :
« Ce n’est peut-être pas le pays de la princesse lointaine, ni celui de la carte du tendre, mais d’où je suis, assis au bord du Gange, l’herbe folle est si douce à fumer. »
Au retour j’avais un mot de lui, le seul d’ailleurs qu’il m’ait écrit, malgré toutes mes tentatives pour en avoir d’autres. Il écrivait :
« Cher ami,
J’ai aimé recevoir des nouvelles de vous, bien qu’un peu énigmatiques.
Votre J. Lacan »
Les séances reprirent.
Au fil des mois, je parvenais à lui dire sans les moindres précautions syntaxique ni grammaticale, les bêtises qui me venaient à l’esprit.
Non sans omettre parfois volontairement quelques énormités de peur de représailles épouvantables.
Au bout d’une année d’entretiens face-à-face, moi sur un fauteuil, lui debout, à ses papiers, ficelles et bricolages colorés, je finis par lui dire :
« Si vous n’étiez pas interposé entre moi et le divan, j’irai me jeter dessus. »
Lui, s’écartant :
« Eh ! bien, qu’attendez-vous pour le faire ? »
Il n’est pas juste de dire qu’avec Lacan les séances étaient courtes.
Ça ne peut se mesurer au chronomètre.
C’étaient plutôt des séances où le sujet est pris de court quant à la signification de ce qu’il veut dire.
Seuls le sabre ou le pinceau peuvent rendre compte d’une telle séance, comme le geste d’une calligraphie.
Ça se lit d’un trait : dire et trancher.
J’avais horreur d’attendre dans la bibliothèque de peur d’y être « oublié », c’est arrivé parfois.
Je préférais le petit salon et son crapaud.
Un jour, on me fit passer directement dans ce lieu d’oubliettes et je croisais Lacan dans la pièce mi-bibliothèque mi-salon, jouxtant son bureau.
Il suivait son analysant du moment de son pas chaloupé, traînant la savate d’une façon inimitable, le pantalon tire-bouchonnant sur des escarpins de vernis noir.
« Vous êtes en retard bien entendu ! » hurla-t-il vers moi, si fort que je comprenais que ce n’était pas qu’à moi qu’était adressé le message mais aussi à quelques autres entassés dans le petit salon crapaud et la bibliothèque honnie par tous.
Des années durant ce fut toujours le même rituel, jamais la même séance.
Un jour, ou plutôt une nuit, je fis un rêve, cette sorte de rêve inoubliable comme on sait qu’un rêve peut l’être et qu’un psychanalyste entend tous les jours de ses analysants.
J’en commençais le récit, sûr qu’il allait l’interrompre avant même que je puisse en dire les quelques premières images.
Eh ! bien non.
Ce rêve, j’ai pu le raconter en son entier. Il déroulait le scénario d’un fantasme causant un symptôme, au demeurant assez banal mais qui, à force de se répéter, m’était devenu de plus en plus embarrassant à raconter, c’était toujours la même chose : une idiotie déclinée de mille façons différentes.
« Une femme, que je ne connaissais pas, me faisait le baiser ardent.
Je ne voyais pas son visage, sauf à la fin, c’était le vôtre ».
Il trancha : « Formidable ! »
Il avait ce sourire, si particulier, un peu tordu qui le faisait, au moins à mes yeux, ressembler à un S barré ($).
Je n’ai jamais pu le voir comme une figure de la misère ou du déchet, alors que, pourtant, j’étais un as du mathème.
Ce fut un tournant décisif. Je me disais à part moi :
« t’en veux des comme ça, t’en auras. Je ne pense même qu’à ça toute la journée, dont la nuit notamment. »
J’étais installé, c’est-à-dire que j’avais mes « meubles » :
— 2 fauteuils en cuir, pleine peau de vache
— 1 bureau simili empire style Vernaison
— 1 divan, le plus original qui soit, recouvert d’un tapis que j’avais ramené d’Afghanistan, avec des coussins de velours rouge orange.
Un jour, une femme vient me voir, elle avait des vertiges : je dis à Lacan :
« Je vais l’allonger, c’est à moi de décider en toute autonomie. »
« C’est parfait » dit-il.
Ça alors, combien de fois l’aurais-je entendu dire : « c’est ça », « c’est parfait », « vous êtes formidable » … etc. et il en rajoute « pouvez-vous me déposer ce pneumatique, c’est très important pour moi et la personne ».
Or, ce jour là, ça a changé. Lacan me dit :
« N’y allez pas encore. »
Devant ma perplexité et ma déception, il précise, toujours aussi sans concession qu’il l’a été avec le devenir analyste :
« Je dis ça pour votre analyse, parce qu’il y a là une contradiction dans ce que vous venez de dire. »
Après coup, je me suis aperçu de l’erreur, j’avais proféré le mot fatal « autonomie », c’était une faute logique, voire éthique, de ma part de croire pouvoir décider en toute autonomie.
Il y a aussi un autre terme qu’il semblait avoir horreur d’entendre, c’était pour moi une énigme.
En effet, plusieurs fois en colère à cause de séances que je jugeais trop courte, ou parce que je m’apercevais trop tard qu’il avait laissé ouverte la porte de son bureau pendant ma séance. Je le traitais de « voleur de transfert ».
À chaque fois, ça le faisait bondir et, toujours avec son sourire à la sujet barré, il me demandait invariablement :
« Quand se revoit-on ? »
« Comme d’habitude Monsieur » répondais-je.
Il ne pouvait en être autrement.
Je n’ai jamais demandé à changer l’heure, ni le jour de mes séances et lui de souligner « C’est ça, comme d’habitude. »
Plusieurs mois ce sont passés après le récit de ce rêve pendant lesquels j’ai associé librement de façon appliquée des affaires de castration fort complexes où j’affirmais que je l’avais, c’était sûr sans me prendre pour l’être.
Bref je l’avais parfois même « dur comme du bois » mais hélas j’avais parfois beaucoup de difficultés à m’en servir autant que je le souhaitais.
C’était ma façon, à l’époque, de comprendre « il n’y a pas de rapport sexuel. »
Un jour, la dame en question, ma patiente première, fut prise d’un vertige intense et me demanda si elle pouvait aller s’allonger sur le divan quelques instants.
Elle s’y endormit profondément.
Cela se répétait presque à chaque fois qu’elle venait.
Car elle refusait obstinément toutes les propositions que je lui faisais, d’aller s’adresser à un vrai psychanalyste.
Je finis par avouer à Lacan que je la recevais encore et, pour faire passer la pilule, je lui disais :
« De toute façon elle est insomniaque, alors si elle peut dormir un peu sur mon divan, c’est pas si mal. »
Il me répondit :
« Alors là, on fait le contrôle, mais je vous préviens pour le contrôle mon tarif c’est 500 F(ancien) », soit une somme assez conséquente en 1974.
Emporté par l’enthousiasme, je le reprends et lui dis : « Je crois que maintenant je ne vous paie pas assez cher pour les séances. »
« Ah, c’est vrai ! » Dit-il, en doublant la mise de départ, ce qui faisait une ardoise assez salée. En même temps, je jubilais, ayant enfin lavé l’affront qu’il m’avait infligé au départ de ne pas vouloir trop grever mon budget.
Encore quelques années d’aventures castrationnaires diversement valables, puis j’ébauchais l’idée de me lancer dans la procédure de la passe. « N’hésitez pas à la faire » me dit-il. Nous étions en février 79.
Je m’y suis senti précipité.
En novembre je finissais mon travail avec mes deux passeurs qui devaient prévenir le secrétaire du jury d’agrément.
Lacan avait suivi toute l’affaire que je lui racontais de A jusqu’à Z, puisqu’en effet, je poursuivais mon analyse et mes contrôles.
Il approuvait sans réserve ma méthode de travail avec mes passeurs.
C’était la suivante :
S’il s’agit bien d’un fait de structure dans la passe, je n’avais qu’à dire à mes passeurs tout ce qui me venait à l’esprit, sans juger, sans choisir, sans chercher à comprendre, sans calcul.
À la fin donc, bateau dérivant, si c’est vraiment un fait de structure, je devais arriver automatiquement, mais pas sans quelques tuché, à bon port.
Ce qui fut pensé, fut dit et mis en acte sans la moindre hésitation.
Et puis, vient la dissolution.
Au fond, elle me réjouissait cette dissolution, mais je commençais à enrager parce que je voyais surgir toujours les mêmes débris que les précédents surnageant dans les marigots de l’école.
En février 1980, j’allais au séminaire comme d’habitude. Justement, ce mois-là, il n’y a pas eu de leçon du séminaire.
Je m’apercevais aussi que j’avais oublié d’aller à mes séances la dernière semaine de janvier.
J’étais convaincu que Lacan était mort, que tout le monde le savait, mais que personne ne m’avait mis au courant.
Enragé, je parcourais les rues de Paris.
Dans quel état ?
« Je ne me souviens plus très bien » comme le disait Lacan dans son livre « Le ravissement de Lol V Stein ».
Deux agents de police, fort polis, viennent chaleureusement me « serrer » dans la rue et me demandent de décliner mon nom.
« Ca, certainement pas ! » répondis-je.
« Dans ces conditions » répliquèrent-ils « voulez-vous bien nous présenter vos pièces d’identité ? »
« Impossible, elles sont en pièces détachées dans la passe. »
Ils me conduisirent en lieu sûr d’où, je ne sais pas par quel miracle télépathique, un vieux copain de toujours m’envoya un message via un inénarrable personnage.
Ce copain avait dit au messager : « Tenez, voilà les clés de ma maison de campagne à Ymarre.
Dîtes à Valas pour le convaincre d’y aller, que de toute façon la saison de la chasse était fermée depuis plusieurs jours à Paris, qu’il serait mieux là-bas pour prendre l’air, il y a de grandes forêts et avec un peu de chance il pourra peut-être apercevoir quelques hardes de sangliers. »
C’était un trou perdu en Normandie.
Fin février 1980 : aucune nouvelle de Lacan, me parvenait la rumeur qu’il avait fait un « accident cérébral ».
Fin février : je rentrais à Paris, téléphonais rue de Lille.
Lacan me recevra le lendemain matin.
Dès que je le vois je lui dis :
« Mais, putain, où étiez-vous ce mois-là ? » sur l’air de la chanson de Bob Dylan « Where are you tonight sweet Charlotte ».
Pas de réponse, mais toujours le même geste décisif pour suspendre la séance.
Début mars 1980.
« Combien vous dois-je ? » lui dis-je, « parce que, quand même vous m’avez laissé en rade pendant un mois »
Réponse :
« Vous n’avez qu’à calculer vous-même ».
J’évalue, estime qu’au fond l’absence était plutôt de mon fait, j’avais qu’à téléphoner, plus tôt. Je calcule : 1 mois = tant de séances + tant de contrôles = 5.000 francs.
« Je n’ai pas cette somme sur moi, puis-je vous laisser un chèque de caution, demain j’apporterai de la fraîche ? »
« C’est ça. »
Je remplis mon chèque et lui demande « je le mets à quel nom ? » ; hurlements de Lacan :
« Gloria, Gloria » elle déboule aussitôt.
« Apprenez à Patrick comment faire un chèque » lui, trépignant sur place, moi, me tournant vers elle :
« À quel nom ? ».
Sans hésitation elle dit « au nom de l’Autre,
avec un grand A », m’arrachant le chèque à la barbe de Lacan. J’y avais inscrit son nom propre qui m’était revenu.
Et puis les choses ont repris leur cours :
Lacan son séminaire,
moi, mes séances et mes contrôles et tout le reste de mon barda.
Mais je tiens à faire une remarque à Lacan :
« Quand même vous auriez pu me prévenir pour la Dissolution. Peut-on faire confiance à Jacques-Alain Miller ? ».
Lui, en grognant : « Ouais ».
Moi : « Oui, mais il me faut le point de clôture, et là, du coup, je suis bon pour refaire un tour de piste. » «
C’est ça » dit-il.
Les événements étaient ce qu’ils étaient.
Je n’y étais pas totalement insensible et, même, pensais parfois qu’il se pouvait qu’il y ait des choses vraies dans tout ce qui circulait.
Mon point de vue était de ne pas lâcher Lacan.
Je n’étais pas né de la dernière pluie.
Dix années de travail avec le même psychanalyste, on finit par le connaître un peu. Je savais que j’avais à faire avec un homme souvent fatigué, mais jamais plus défaillant qu’il avait pu l’être parfois auparavant.
Qu’on ne vienne pas me raconter des conneries à propos du transfert.
Le transfert dans la cure, c’est un résultat, c’est même son sens freudien premier, apparu dans L’Interprétation des rêves.
C’est un résultat que l’on obtient par le moyen de la parole d’hainamoration qui n’est pas sans sa part d’ignorance.
Fin avril 1981.
Je venais d’avoir 42 ans, étant par goût naturel plutôt du côté de l’hystérie je n’avais pas l’intention d’attendre la mort annoncée de Lacan par certains pour le quitter.
Je lui ai dit :
« Voilà, maintenant plus d’un an que nous tournons ensemble. Je ne trouve rien de nouveau, sinon du savoir vain.
Laissez-moi tranquille, j’ai un travail à faire seul, Charlotte était perdue de toujours, j’ai à achevé le travail du deuil de mes parents, laissé en suspens pour des raisons transférentielles ».
Je ne l’ai jamais revu… Sauf sur son lit de mort en septembre 1981.
Il avait cette chevalière si particulière au doigt de je ne sais quelle main.
Il reposait, allongé sur un lit dans la chambre de son petit-fils. Luc, la grosse tête qui habitait chez son père, Jacques à l’air malin.
J’ai beaucoup rêvé de lui les années qui ont suivi.
Il me fallait atteindre « le point de clôture ».
Équivoquant, je l’ai trouvé, mais c’est une autre histoire. Aujourd’hui je ne parle que de ce que fut ma pratique avec Jacques Lacan.
Le point de clôture n’est pas le point/barre de nos langages d’ordinateur, c’est un pas-de-clôture, comme un pas-de-vis, une brèche sans remède, dont je n’ai plus qu’à suivre les veines, sans angoisse.
Un passage du point de l’ordinal au transfini du cardinal.
Que peut-il m’arriver aujourd’hui si le désir est indestructible, si Freud dit vrai ?
Je crois, rien que des surprises, bonnes ou mauvaises.
Je les reçois avec une froide bienveillance.
La vie m’est devenue un peu plus amie.
Trois petits points pour finir, c’est mon sinthome.
Je le suivrai jusqu’au bout du voyage avec ou sans l’accord de l’Autre qui n’existe pas.
Le 14 novembre 2003
Patrick Valas – 16/11/2003
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