DESIR DE L’ANALYSTE - DESIR DE L’ENSEIGNANT.
La pratique de l’analyse conjoignant un acte et un faire, c’est dans leur béance que se déploie le désir de l’analyste.
Or l’acte peut être frappé d’oubli, car c’est une dimension propre de l’acte de ne pas comporter dans son instant le sujet, tandis que le faire peut être source d’erreur puisqu’il est feinte et artifice en même temps.
C’est donc pour parer à ces effets négatifs quand à ce qui pourrait se transmettre de ces bouts de savoir déposé par l’expérience analytique, qu’au delà de la cure et des contrôles, l’enseignement est nécessaire.
En renouvellant le statut du savoir, comme déjà dans l’Autre, se fondant d’une jouissance qui en fait le prix, jouissance de son acquisition identique à celle de son exercice, la psychanalyse pose ainsi des conditions particulières à sa transmission, lesquelles ne sont pas séparables de l’acte où le sujet s’engage pour la réalisation de son désir.
Dans son allocution pour clôturer le congrès de l’E.P.P. en 1970 (Paru dans scilicet 2/3), Lacan faisait un certain nombre de remarques :
Ça ne va pas de soi que l’enseignement soit transmission d’un savoir, il n’est même pas excessif de poser que l’enseignement est fait pour faire barrière au savoir.
Ça se lit assez facilement, dans le Discours Universitaire , où le savoir mis en position d’agent d’être à cette place, se dénature, la production n’est pas un savoir, mais le sujet, l’enseignant en l’occasion, comme effet premier de l’enseignement impuissant de cette place, à articuler les signifiant-maîtres qui 1’assujettissent à ce savoir en le constituant.
Il est « instruit » et pour mieux dire il a reçu les instructions du Maitre, servant son savoir il s’en fait plus le chien de garde que le garant.
I969-I970-I97I. C’est la période où Lacan élabore sa notion de Discours comme structure
Discours au nombre de 4, le sens de chacun s’éclairant par celui des autres loin de les invalider.
Depuis l’eau a coulé. On évoquait récemment cette chère antipathie des discours en oubliant qu’elle n’est pas d’intention mais de structure.
Ceci devrait permettre de poser en toute tranquillité la question de ce qui du Discours Analytique , donc de la pratique peut être enseignable.
Ce d’autant plus que la pratique de ce Discours tient à un savoir qui n’exige pas le truchement de l’enseignement.
Antagonisme entre le savoir et l’enseignement
C’est là l’intérêt de souligner l’antagonisme entre le savoir et l’enseignement.
Certes dans le Discours Analytique ,où le savoir est en position de vérité, la production est constituée des Signifiant-maîtres, mais pas pour autant enseignables tels quels, à moins de le pasticher en déplaçant les éléments de ce discours pour les exposer dans un autre, ou bien de le plagier en les séparant de l’acte qui les produisent.
Pour parer à ca ; comme chacun le sait maintenant, à s’offrir à 1 ’enseignement le psychanalyste se met en position d’analysant.
Autrement il se met en position de sujet divisé, alors que ceux qu’il « enseigne » sont en position de tenant-lieu de l’objet causant son désir. On est bien là dans le Discours psychanalytique.
Quand au savoir il est produit par le Discours Hystérique dont procède et se renouvelle la psychanalyse
Position sans doute inconfortable à l’analyste, mais pas suffisante à faire enseignement, à moins que de son énonciation il donne des énoncés, sinon il s’agirait d’énigme.
Or chez Lacan il n’y a pas d’énigme.
Autrement dit ce qu’il profère est articulation logique d’un dire qui ne devrait pas être oublié dans ce qui s’entend.
Le projet de Lacan est bien d’articuler un discours sans parole.
Telle est son orientation : supporter son dire du réel d’une écriture.
C’est pourquoi lorsque Lacan enseigne en position
d’analysant, il n’associe pas librement comme le tout-venant.
Cette association il la démontre comme "associée", en quoi il peut ironiser sur le fait qu’il est un "hystérique parfait", en visant à la mathématisation de ses formulations.
Mais dans ce projet de rejoindre sans y parvenir le Discours de la science , c’est à dire du Maître, par cette nécessité de donner consistance transmissible au savoir.
du même coup se révèle qu’après tout ce n’est peut être pas du rapport de la vérité au savoir que le Discours analytique pose la question.
A la fin de son enseignement Lacan disait que ce qui le poussait à parler, à enseigner c’était le Surmoi.
Tout psychanalyste, voulant répondre à son appel, pour enseigner ce qui est enseignant et enseignable de sa pratique spécifique, peut savoir qu’il témoigne au titre de son symptôme, d’un savoir qui le dépasse et passe en acte, tandis qu’à vouloir le rejoindre ce savoir en le transmettant, se dévoile la faille qui l’en exile irrémédiablement.
Celui qui enseigne selon son désir, le fait, à condition de venir en position d’énonciation, conjoindre à ses risques et l’acte d’enseigner le savoir-faire-savoir d’une transmission.
Ainsi par le biais du désir de l’enseignant, se révèle une des faces du désir de l’analyste, en lui offrant par là le relais d’une autre pratique soutenant la sienne quand il opère dans la cure.
Patrick Valas, Paris 2005, quelque part …