J’habite à Montparnasse depuis 1946, soit depuis que j’ai été rapatrié en France, d’Indochine où je suis né.
Je le dis tout net, présentez-vous dans n’importe quelle mairie ou administration française, pour demander quoi que ce soit, c’est toujours la même chansonnette :
Indochine, Indochine ?
Inconnue au bataillon.
Pour renouveler une carte d’identité, pourtant encore valide, il m’a fallu encore refaire le parcours du combattant.
Comme à chaque fois.
C’est-à-dire 7 fois.
Là dernière fois, une première, Un scoop même.
Il a fallu que je procure l’extrait de naissance de mon arrière-arrière-grand-père, et aussi un certificat attestant qu’il était bien mort.
Même si je ne pouvais pas en apporter la preuve, il est certain qu’il est mort et sans doute enterré, puisqu’il avait la cinquantaine en 1850.
A la fin j’ai écrit au Médiateur de la République, car ni mon livret militaire, ni mon inscription à l’Ordre des Médecins, ne valaient pour affirmer que je suis bien français.
J’habite donc à Monparno depuis 1946.
D’abord 4 rue de l’Armorique, puis 4 rue Paul Séjourné, puis 4 rue Delambre, puis 4 impasse Mathieu, puis 4 impasse de la Gaité et bientôt 4 avenue du Maine.
Donc de droit, ou au moins d’usage j’ai bien le droit d’être enterré à Montparnasse.
Je regrette de ne pas m’être inscrit sur la liste d’attente le jour de ma naissance.
Dans la vie on ne peut pas penser à tout.
Surtout pas à la mort !
Voilà 12 ans que je rame :
J’ai rien acheté à Monparno pour me loger.
J’ai toujours loué.
C’était l’usage au temps de ma génération.
Finalement, convaincu par mon assurance décès-invalidité, j’ai fini par m’inscrire sur le registre du cimetière de Montparnasse, il y 12 ans, pour devenir proprio d’un petit lopin de cimetière.
Je suis sur la liste d’attente pour une place.
Tous les ans je reçois des Services des espaces verts de Paris et des déchets un formulaire où il est inscrit qu’il n’y a plus de place.
On me demande à chaque année, si je veux renouveler la même demande, pour le même lopin en terre.
Le m2 augmente chaque année, indicé sur le taux de la construction.
Aujourd’hui, c’est 3000 Euros le m2 en friche.
Il m’en faut deux minimum (2m. sur 1m).
En plus je dois m’engager, au cas ou je finis par obtenir une concession à faire construire aussitôt mon mausolée.
Une fortune !
Autrement, on me propose Bagneux, ou à perpette de mon choix.
Un point c’est tout.
Qu’irai-je faire à Bagneux ?
Moi c’est Montparnasse.
Pour trouver un compromis j’ai proposé que l’on me vende :
- Ou bien un petit carré de 40 cm/40cm/1,63 m de profondeur, pour m’enterrer debout.
- Ou bien que l’on me coupe en 4 morceaux (quand je serai mort), et qu’on les enterre dans 4 carrés de 20cm/20cm/20cm de profondeur.
Même s’ils ne sont pas à côté les uns des autres.
L’Adjoint au Maire du Service des déchets, ne m’a même pas répondu.
Pas de chance :
J’ai connu le Baby-boom de l’après-guerre.
A présent c’est le Papy-Boom du cimetière.
Impossible de savoir quel est mon rang je suis sur la liste d’attente.
Je ne demande même pas à être prioritaire, je ne suis pas pressé
Je garde l’espoir, car dans mes classes d’âge comme pendant la Guerre d’Algérie, on callenche raide.
Je vous tiendrai au courant.
Si Dieu le veut.
Si je défunte avant, je ne donne aucun organe.
On m’incinère et on disperse mes cendres où l’on veut, dans un fleuve, pour qu’elles retournent à la mer.
Enfin si c’est possible.
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