Patrick Valas, La fin de l’analyse

samedi 21 novembre 2015
par  P. Valas

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Wo Es War Soll Ich Werden.
Sigmund Freud, in Vorlesung. Die Zerlegung der psychischen Persönlichkeit. Conférences sur la psychanalyse, 2e série.
Jacques Lacan le traduit de plusieurs façons et l’explicite :

1 - Là où fut ça, il me faut advenir .
« Cette fin est de réintégration et d’accord, je dirai de réconciliation
(Versöhnung) ».

Variante : Là où c’était un étant ayant été, Je dois advenir.
( JL, In l’instance de la lettre dans l’inconscient, Écrits p. 524 )

2 - Là où fut ça, là dois-je survenir ?.
( JL, in La Chose freudienne, in Écrits )

3 - …Wo Es war, dit-il et je vous ai appris à le relire la dernière fois, soll Ich werden  ?

Wo $ tat et vous me permettrez d’écrire ce $ de la lettre ici barrée, là où le signifiant agissait au double sens où il vient de cesser et où il allait juste agir, non point soll Ich werden mais Ich, moi qui agis, moi qui lance dans le monde cette chose à quoi on pourra s’adresser comme à une raisonIch (a) werden, moi de ce que j’introduis comme nouvel ordre dans le monde, je dois devenir le déchet.
( JL, in L’acte analytique, 17 janvier 1968 )

Il le commente un quarantaine de fois ainsi :

"Comme je vous l’ai dit, l’expérience morale ne se limite pas à cette part du feu à faire, au mode sous lequel elle se présente dans chaque expérience individuelle.

Elle n’est pas liée uniquement à cette lente reconnaissance de la fonction qui a été définie, autonomisée par Freud sous le terme de Surmoi, et à l’exploration de ses paradoxes, à ce que j’ai appelé cette figure obscène et féroce sous laquelle l’instance morale se présente quand nous allons la chercher dans ses racines.

L’expérience morale dont il s’agit dans l’analyse est aussi celle qui se résume dans un impératif original qui est justement celui proposé par ce qu’on pourrait appeler dans l’occasion l’ascèse freudienne, ce Wo Es War, soul Ich werden, où Freud aboutit dans la deuxième série de ses Conférences sur la psychanalyse, et qui n’est rien d’autre que quelque chose dont la racine nous est donnée dans une expérience qui mérite le terme d’expérience morale, qui se situe tout à fait au principe de l’entrée elle-même du patient dans la psychanalyse.

Car ce Je qui doit advenir là où c’était, ce quelque chose que l’analyse nous apprend à mesurer, ce Je n’est pas autre chose que ce dont nous avons déjà la racine dans ce Je qui s’interroge sur ce qu’il veut.

Il n’est pas seulement interrogé ; quand il avance dans son expérience, cette question, il se la pose, et il se la pose précisément à l’endroit des impératifs souvent étranges, paradoxaux, cruels qui lui sont proposés par son expérience morbide.

Va-t-il ou ne va-t-il pas se soumettre à ce devoir qu’il sent en lui-même comme étranger, au-delà, au second degré ?

Doit-il ou ne doit-il pas se soumettre à cet impératif du surmoi paradoxal et morbide, demi-inconscient et, au reste, qui se révèle de plus en plus dans son instance à mesure que progresse la découverte analytique – il voit qu’il s’est engagé dans sa voie.

C’est là quelque chose qui fait partie des données de notre expérience.
Son vrai devoir, si je puis m’exprimer ainsi, n’est-il pas, donc, d’aller contre cet impératif ?
Et il y a là quelque chose qui fait partie des données pré-analytiques. »
( JL, in L’éthique de la psychanalyse le 18 novembre 1959 )
Et encore :
« Mais je dirai que c’est à elle que Freud s’adresse, et pour lui dire ceci, qui est nouveau :

«  Ici, dans le champ du rêve, tu es chez toi », Wo es war, soll ich werden.
Ce qui ne veut pas dire je ne sais quelle ordure de traduction le Moi doit déloger le Ça !

"Vous vous rendez compte comment on traduit Freud en français quand il s’agit d’une formule comme celle-là, elle est égale à celle des présocratiques pour sa structure, sa profondeur, sa résonance !

Il ne s’agit pas du Moi dans ce soll ich werden.

Il s’agit de ce que le Ich est, sous la plume de Freud (depuis le début jusqu’à la fin quand on sait, bien entendu ! reconnaître sa place), justement le lieu complet, total du réseau des signifiants, c’est-à-dire le sujet.
« Là où c’était » depuis toujours… le rêve, et où les anciens reconnaissaient quoi ?
Toutes sortes de choses et à l’occasion de messages des dieux et pourquoi auraient-ils eu tort ?

Ils en faisaient quelque chose, des messages des dieux et puis, comme peut-être vous l’entreverrez dans la suite de mon propos, il n’est pas exclu qu’ils y soient toujours, à ceci près que ça nous est égal, ce que Freud nous dit dans ce domaine.

Ce qui nous intéresse, c’est le tissu qui englobe ces messages, c’est le réseau où, à l’occasion quelque chose est pris.

Peut-être la voix des dieux se fait-elle entendre, mais il y a longtemps qu’on a rendu, à leur endroit, nos oreilles à leur état originel dont chacun sait qu’elles sont faites « pour ne point entendre »…

Mais le sujet, lui, est là pour s’y retrouver là où c’était… » (j’anticipe) le réel, et je justifierai ce que j’ai dit là tout à l’heure.
D’ailleurs, ceux qui m’entendent depuis quelques temps, savent que j’emploie volontiers la formule « les dieux sont du champ du réel. »
( JL, in les 4 concepts…5 février 1964 )

( Par Patrick Valas le 4 Aout 2014, Graphorismes etc. Christian Dubuis Santini)