Nicole Bousseyroux : Les quatre refuges du pouvoir

vendredi 13 novembre 2015
par  P. Valas

ecole de la cause freudienne
 
Le local de l’École de la Cause Freudienne en 2010.
 

Nicole Bousseyroux : Les quatre refuges du pouvoir.

le pouvoir dans son rapport à la cause analytique.

Ce forum se réunit autour de la question que nous avons proposé d’étudier concernant le pouvoir dans son rapport à la cause analytique.

Je ne m’attarderai pas ce soir sur l’examen des faits auxquels nous avons affaire en ce moment, mais je voudrais simplement dire qu’il suffit de lire le rapport du Conseil 1998 de l’École de la Cause Freudienne, de même que les Dépêches de ce Conseil depuis Barcelone, sans parler d’avant, et tout spécialement la campagne sur le thème : « Il faut sauver l’École » lancée en septembre par le numéro spécial de Débats du Conseil pour se rendre
compte de ce à quoi le Conseil de Guy Briole offre refuge : au pouvoir, au pouvoir de
l’interprétation.

Le médecin-général Guy Briole : Il faut sauver l’École.

Car de quoi s’agit-il dans ce pouvoir de l’usage de la parole ou des mots dont
abusent tous les textes que nous lisons, si ce n’est du pouvoir d’interpréter tout ce qui relève du S2, donc du savoir, comme signifiant de l’Autre, à partir du S1 qui est le signifiant maître ?

Autrement dit, il s’agit tout simplement du pouvoir propre au discours du Maître, en tant que ce discours s’octroie le pouvoir du signifiant maître dont J.-A. Miller est ici le support.

Je rappelle à ce propos la phrase de Lacan qu’évoquait C.Soler à l’hôtel Havana à Barcelone - qui se trouve à la page 49 du texte « Raison d’un échec » dans Scilicet no1 :

« il n’est nul moment de l’enfance qui connaisse un état aussi délirant de déférence pour les aînés, qui, quoi qu’ils disent sont excusés de ce qu’on tient pour acquis ; qu’ils ont leur raison de ne pas dire - ni plus, ni moins. »

Concernant le rapport au Délégué général, c’est bien à ce type d’état délirant de déférence pour le Maître de l’AMP qu’il s’agit.

Ceci pose le problème évidemment du rapport qu’il y a entre le pouvoir et le savoir.

Ce rapport met en jeu quelque chose qui est au plus près de la question de
la phobie.

Il ne s’agit pas, contrairement à la doxa que l’on fait circuler sur l’exception, d’une phobie du S1, mais bien au contraire d’une phobie du S2. Car ce devant quoi le phobique recule et élève le rempart de sa construction phobique, c’est devant, non pas le signifiant du Maître, mais bien au contraire devant le signifiant Autre, le S2 qui est celui qui donne en quelque sorte au sujet le vertige de la vérité.

La phobie des poules.

Lacan explique ce rapport dans son séminaire « D’un Autre à l’autre (1969) », en particulier dans la leçon du 7 mai 1969, où il reprend le cas de la
phobie des poules, analysée par Hélène Deutsch chez un de ses patients homosexuel.

C’est à ce propos que Lacan parle des effets de disjonction dans ce cas entre savoir et pouvoir, effets qui sont à rapporter à ce qui se joue entre l’image i(a) et l’objet a.

Disjonction dans ce cas entre savoir et pouvoir.

Quelques séances plus loin, Lacan reprendra cette question du côté non plus de la phobie mais de la perversion, comme tentative de remettre le pouvoir à l’Autre en lui restituant l’objet a.

C’est un jeu, cette remise du pouvoir, où, dit-il, « le masochiste est le vrai maître, bien qu’il ait toutes les chances d’y échouer », et il ajoute que c’est par là que l’on rejoint ce qui se joue du pouvoir au niveau du psychanalyste.

Le psychanalyste, fait le maître dans les deux sens du mot faire : faire le maître au sens d’en faire semblant, et le faire au sens de le fabriquer.

Car le psychanalyste, dit-il, fait le maître dans les deux sens du mot faire : faire
le maître au sens d’en faire semblant, et le faire au sens de le fabriquer.

Mais alors, à reprendre ces deux fonctions du mot faire, se pourrait-il qu’en menant quelqu’un au terme de sa psychanalyse, au terme de cette incurable vérité, c’est-à-dire au point de celui qui sait que, s’il
y a bien acte, il n’y a pas de rapport sexuel, se pourrait-il qu’on en arrive à ceci, c’est du moins la question que Lacan se permet alors de poser : « est-ce que ça ne serait pas par là, même si ce n’est pas souvent que cela arrive, faire quelque part une vraie maîtrise ».

« Est-ce que ça ne serait pas par là, même si ce n’est pas souvent que cela arrive, faire quelque part une vraie maîtrise. »

Il me semble que ce que dit Lacan concerne très exactement la phrase de «  Raison d’un echec » d’où nous sommes partis, c’est-à-dire ce refuge du pouvoir que peut offrir une psychanalyse à son terme.

Ce refuge du pouvoir que peut offrir une psychanalyse à son terme.

J’ajoute que dans ce texte qui date de 1967, Lacan disait aussi que l’acte du
psychanalyste « s’institue en ouverture de jouissance comme masochiste », qu’il en reproduit l’arrangement, même si le psychanalyste en corrige l’excès. Je reprends ce que dit Lacan, le 4 juin 1969, lorsqu’il pose la question du terme d’une analyse comme pouvant faire la part belle à une vraie maîtrise.

Ce n’est pas dire, dit-il, " que le psychanalyste soit comme le masochiste
le maître du jeu, mais c’est dire qu’il en incarne l’atout maître pour autant que c’est lui qui vient alors à jouer le poids de ce qu’il en est de l’objet a
".

Le psychanalyste n’est pas comme le masochiste.

Proposons donc cette reponse provisoire : il est un pouvoir de maîtrise auquel le discours analytique peut faire place.

Ce pouvoir, ce n’est pas celui du Maître, c’est celui de l’objet a.

Celui que le psychanalyste tient de sa place d’objet a dans le discours analytique.

Il y a un pouvoir propre à chacun des quatre discours, et qui est le pouvoir que la place de l’agent exerce sur celle de l’Autre.

 
radiophonie
 

Oui, il y a un pouvoir propre à chacun des quatre discours, et qui est le pouvoir que la place de l’agent exerce sur celle de l’Autre.

Il y a :

— Le pouvoir du S1 sur le S2 pour le discours du maître.

— Le pouvoir du sujet sur le S1 pour le discours de l’hystérique.

— Le pouvoir du S2 sur l’objet pour le discours universitaire.

On notera aussi que le discours analytique et son envers, le discours
du maître, sont les deux pouvoirs que Lacan marque d’un impossible dans Radiophonie.

— Pour le discours analytique, c’est donc l’objet a qui occupe les commandes de ce discours sur le sujet analysant.

Tout dépend de l’usage que le psychanalyste va faire ou non de cet objet a, dont il peut incarner pour l’analysant l’a-tout maître.

On voit bien que la question que soulève Lacan est d’autant plus colossale,
puisque tout dépend de l’usage que le psychanalyste va faire ou non de cet objet a, dont il peut incarner pour l’analysant l’a-tout maître.

Il me semble que ce qui se passe actuellement dans notre école est beaucoup plus à déchiffrer par rapport à cet atout maître de l’objet a, avec lequel on peut gagner le pli dans la partie qui se joue, que par rapport au signifiant maître.

Le pire, c’est quand l’analyste prétend faire de cet atout maître un super pouvoir transférentiel et qu’il se croit plus fort que le maître.

Probablement avons-nous intérêt à définir et à retravailler ce rôle de l’objet a, ce qui fait sa particularité.

Le pire c’est quand l’objet est en position de médiatiser, voire de monopoliser tous les transferts rassemblés dans la Grande conversation psychanalytique.

Car on peut toujours contester les grands monopoles du signifiant maître, mais, pour ce qui est du grand monopole de l’agalma, comme il est sans
conteste, on peut toujours repasser !

C’est l’aveuglement garanti avec le monopole de l’agalma !

Rappelons à ce propos ce que Lacan formulait dans une conférence du 19 juin 1968 : c’est parce que « le rôle de l’objet a est de manque et de distance, et non pas du tout de médiation »,que « s’impose cette vérité qui est la découverte tangible qu’il n’y a pas de dialogue, et que le dialogue est une duperie ».

Le dialogue ? Une duperie.

s’impose cette vérité qui est la découverte tangible qu’il n’y a pas de dialogue, et que le dialogue est une duperie.

1998, pour l’histoire.


Commentaires  Forum fermé

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Nicole Bousseyroux : Les quatre refuges du pouvoir
lundi 19 septembre 2011 à 15h55 - par  Rogma

Bonjour,
Je lis avec attention votre texte, étant en analyse et lisant Lacan.
Voici mon commentaire :
Vous développez le pouvoir du >S1 ou du S2, etc…mais pourquoi le sujet s’ assujettie-il de lui même à ses discours ?
Pourquoi, en reprenant La Boétie dans :
« Discours sur la Servitude », justement les hommes veulent un maitre. Outre le fait que nous soyons masochiste, pourquoi un sujet accepte t il de se mettre au service d’un tyran ou d’un objet ?
Je cherche actuellement du coté d’une promesse de jouissance, d’un échange pervers entre protection, sécurité, semblant d’amour et percussion etc…
Je précise même ma question de fond, y aurait il un signifiant ou une inscription symbolique voir imaginaire qui rend un sujet aliéné au pouvoir ?
Je sais pas si je me suis bien exprimé en Lacanien et vous remercie de votre réponse. Cordialement Rogma

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