Quel drôle de titre, tout de même, que celui du dernier ouvrage de Marie-Laure Susini, Éloge de la corruption. Voudrait-elle réhabiliter les valises de billets, les pots-de-vin, les enveloppes et autres dessous-de-table ? Cherche-t-elle des excuses à ceux qui jugent normal, moral, intéressant d’acheter — ou de vendre — des consciences, des actes de pouvoir ? Non, disons-le sans tarder, ce n’est pas le propos de cette psychanalyste. C’est à la fois dommage — on aurait bien aimé lire ça, par pur défi intellectuel — et beaucoup plus intéressant. Car certains économistes libéraux ont déjà tenté de démontrer, en s’appuyant sur l’expérience des états du Sud, que la corruption pouvait jouer un rôle de régulation dans l’économie, par exemple en corrigeant les salaires trop bas de douaniers ou de fonctionnaires… Le travail de Marie-Laure Susini est plus intéressant parce qu’elle a le souci de dresser l’histoire d’une idée, d’un objet de dégoût des discours politiques, d’une insulte. Pour bien comprendre le propos, prenons un dictionnaire : « altération en général ; décomposition putride ; dépravation ». C’est de tout cela qu’il s’agit lorsque le mot est lâché : d’éloignement de la norme, d’abaissement, de reniement du bon. Et ce n’est pas une parole en l’air. 1984, de la science-fiction ? « Corrompu ! » Le mot fuse et tue, sans bavure, celui qui le reçoit. Le tue politiquement, publiquement, moralement. Si d’aventure un tribunal ou une milice, chargé de débusquer le « criminel par pensée », ne s’en est pas déjà occupé par la guillotine, le cachot ou le bannissement. Car c’est de cela qu’il s’agit au long de l’ouvrage, des systèmes de pensée et de justification qui ont mis ce label, cette invective, ce verdict au cœur de leur fonctionnement : les régimes totalitaires, qui ont su faire de la corruption le critère de tri des bons et des mauvais, le jugement sans appel ni chances de pardon. Marie-Laure Susini appuie sa démonstration sur l’examen de trois passionnants récits de vie, Robespierre, Thomas More, Saint Paul. Pour analyser ces trois itinéraires, l’auteur utilise les concepts et la vision de George Orwell. Cet écrivain complexe et son œuvre-phare, 1984, description à tort qualifiée de « science-fiction », est en réalité un roman bâti par l’addition des expériences du totalitarisme révolutionnaire et de leurs méthodes d’évolution et d’épuration : sans mémoire, sans pardon, sans acceptation de la corruptibilité naturelle de l’homme, c’est-à-dire avant tout soumis au temps qui passe. Orwell nous enseigne que nous sommes mortels, imparfaits, agissant dans un monde réel, ressentons sans mécanisme et réfléchissons tous azimuts. Ce que dénient les totalitarismes, occupés à chérir une conception dogmatique, éternelle, politique de l’être humain. Ainsi fallait-il décapiter les aristocrates en 1789, et même les repentis et les révolutionnaires. Ainsi les sorcières n’avaient aucune chance se bénéficier d’un procès équitable, puisque le soupçon de l’Inquisition était jugement, le refus d’avouer preuve de malice, et les aveux arrachés sous la torture des preuves. Accablantes.
La purge violente, remède à la corruption.
Le désir vu comme trouble Le lecteur est ainsi amené à creuser, à peler l’oignon totalitaire pour en trouver le cœur dans l’Appel de Saint-Paul et sa contribution à la création de l’Église : en prêchant la croyance en un Dieu parfait, en soulignant la perte originelle d’innocence d’Adam, en appelant les hommes au repentir, il a lancé un mouvement dont il ne pouvait anticiper la perversion qui allait s’y nicher. Car de cette idée de la perte d’innocence, couplée à celle de tri entre les humains, ses successeurs dans l’histoire ont fait le pire. Ainsi Thomas More a imaginé l’Utopie, lieu isolé du monde et de sa temporalité, fondé sur la rédemption par la privation du désir et de l’objet de jouissance. Ainsi Robespierre et ses amis ont-ils purgé l’aristocratie et l’élite de 1789 de tout ce qui ne correspondait pas à la ligne révolutionnaire. Enfin, celle du moment, puisque, à la lecture de l’ouvrage comme de 1984, la doctrine opère des revirements à 180o. Mais puisque l’on contrôle le passé, rien de grave, la doctrine reste immortelle. Ce livre est à prendre pour ce qu’il est, un brillant essai d’histoire politique, qui gagne au regard de la psychanalyse, en ce qu’elle aide à explorer les souterrains d’une notion complexe. Il est à prendre également comme un précieux vade mecum en terrain politique. Sa lecture enrichit d’une interrogation à réitérer à l’écoute des discours politiques, même les plus doucereux. Derrière chaque affirmation de principes vagues, lorsque vérité, probité, égalité ont trop de majuscules, derrière chaque dénonciation d’impureté, derrière chaque retournement de veste oublieux du passé peut se cacher un nouveau 1984.
Saint-Paul : pas d’objet de désir, donc pas de péché !
EXTRAITS
L’hypothèse de l’incorruptible face au pourrissement qui le guette, au désordre agité et hasardeux de sa courte existence, à l’éphémère de ses réalisations, à la fragilité de toute création terrestre, l’homme a levé les yeux vers le ciel. Il y a vu l’éternité.L’immuable présence des astres, et la stabilité d’un mouvement perpétuel. Il y a admiré un ordre parfait, un mouvement prévisible, un éternel retour, un temps sans fin. Confronté sans remède à la dégradation et à la mort, levant, au-dessus de la misérable nécessité, des yeux émerveillés vers la voûte céleste, l’homme y a trouvé l’idée de l’incorruptible. Il s’est forgé l’hypothèse de l’immortalité. Il a séparé son monde en deux. Il a séparé par le langage le corruptible de l’incorruptible. Aux humains, aux êtres terrestres, l’imperfection, la finitude et la mort. Aux êtres célestes, aux astres, à Dieu, l’éternité et la perfection infinie. Les astres meurent aussi, nous le savons aujourd’hui. Quelle importance ? L’Éternité ne se vérifie pas par l’expérience. Tous ne croient pas en Dieu. Qu’importe ? L’essence de l’Éternité, et de la perfection, demeure. L’homme, avec douleur, se reconnaît imparfait et s’afflige de sa nature aussi méchante que mortelle. Au constat implacable de la nature corruptible du vivant l’homme oppose l’essence, l’idée, le principe abstrait de l’Incorruptible. Quelle pente suivons-nous là ? Nous disons fort simplement comment la pensée humaine, le langage, sépare le réel de la corruption (du corps) et le symbolique de l’incorruptible (le principe). Nous sommes parvenus d’un bond au sommet d’une montagne. À ce point, nous avons l’heureuse surprise de découvrir une nouvelle perspective et une prometteuse chaîne de questions. La corruption s’oppose au principe d’Éternité. En d’autres termes, tout combat contre la corruption se fera au nom de l’Éternité. Ou de Dieu, qui est un des noms du principe de l’Incorruptible, et un des noms de l’Éternité. Cela se vérifie-t-il ? Certainement L’historique de la chasse aux « corrompus » et aux « corrupteurs » que furent en Occident les hérétiques, les juifs, les musulmans, les sorcières et les déviants de toute sorte le confirment. Il n’est pas difficile de retrouver l’incorruptible missionnaire, justicier et guerrier, inquisiteur et croisé, bras armé de l’Incorruptible, soutenu par la certitude d’une mission divine, pourchassant sans pitié les corrompus. Aujourd’hui même, pas d’intégrisme religieux qui ne dénonce avec violence la corruption ! L’hypothèse n’est donc ni seulement théorique, ni périmée. Cependant, dans la pensée moderne, le principe d’Éternité ne se nomme plus toujours Dieu. Les incorruptibles contemporains sont-ils toujours menés par le souci d’éternité ? Bien sûr. Orwell, nous l’avons vu, l’avait compris avant nous, et il construisit sur cette base, sur le vœu d’éternité collective de l’État, son analyse du totalitarisme. Reprenons notre réflexion. Une fois posée l’hypothèse de l’Incorruptible, l’homme abaisse à nouveau les yeux vers les réalités terrestres. Il confronte le principe symbolique de l’Incorruptible à la nature du réel : aux hommes voués à la destruction et à la corruption, aux hommes naturellement corruptibles. Il se produit alors une singulière opération. N’est-ce pas remarquable ? Le langage n’oppose pas les incorruptibles aux corruptibles, mais aux corrompus. Corruptible ! Voilà une accusation que nous ne portons pas. Corrompu ! Oui, nous traitons volontiers les autres de corrompus. Nous dénonçons toujours la corruption, et jamais la corruptibilité. On louera un homme incorruptible, sans pouvoir le féliciter d’être un incorrompu. L’usage entérine une séparation, une opposition : l’incorruptible face aux corrompus. Nous n’utilisons pas le mot corruptible. En effet, armé du principe symbolique de l’Incorruptible, l’homme reconsidère le corruptible qu’il est de nature et le déclare corrompu. La signification négative du mot « corrompu » n’échappe à personne. L’hypothèse de l’éternité (l’incorruptible) a produit un jugement d’imperfection (corrompu). La loi de la corruption universelle Que reconnaîtrions-nous si nous nous disions, simplement, naturellement, corruptibles ? Nous constaterions que nous sommes voués à une nécessaire dégradation. Mais encore ? La décomposition implique une modification, un changement lié au temps, un mouvement de désagrégation des éléments d’un corps. L’achèvement du mouvement est ici programmé dès l’origine, la fin est contenue dans la nature même du corps. Se dire corruptible, c’est poser une affirmation sur son être et son devenir. Dans le mot corruptible, l’être et le devenir coïncident, et l’avenir est contenu dans le présent. Nous définissons donc la corruption comme un mouvement : comme un devenir, comme un processus de changement affectant les corps qui lui sont soumis. N’oublions jamais que le mouvement est un état. La corruption, le mouvement de décomposition du corps, comme tout mouvement, est un état permanent. Bien sûr, nous ne l’ignorons pas ! Nous savons que certaines forces contraires maintiennent bien assis sur une chaise un corps dont l’état est de se mouvoir selon la loi de la gravitation, et de tomber par terre ! De même, certaines forces vitales conservent une apparence de cohésion à des éléments dont la loi est de se décomposer, de se disperser. Il y a une loi de la corruption des corps, comme il y a une loi de la chute des corps. Une loi de l’attraction universelle, et une loi de la décomposition universelle. De même que les corps sont en état permanent de mouvement (alors qu’ils apparaissent au repos), la décomposition est, au sein même du vivant (ne serait-ce que dans le métabolisme de la digestion), un état permanent. Un état, donc, et non une faculté négative qui affecterait le corps. Tout corps vivant naît dans l’état de corruption, même le plus magnifique, le plus neuf des bébés nouveau-nés ! On l’oublie toujours. Non seulement le corps corruptible est dans l’état constant de corruption, mais encore… il n’y a aucune cause particulière à cet état ! Voilà qui est difficile à accepter. Rappelons que jusqu’à Kepler les plus puissants penseurs imaginaient une cause au mouvement des corps célestes, une intelligence, une âme qui faisait tourner les astres fixes sur leurs sphères. Il est très difficile, sur le même mode, de ne pas imaginer ordinairement un agent de la décomposition, de la désintégration. De ne pas imaginer (il s’agit en effet d’une opération de l’imaginaire) une cause qui rendrait corruptible ce qui à l’origine, donc, ne l’aurait pas été. Il est presque impossible de se dire naturellement « corruptible », obéissant à la loi universelle de la corruption du vivant, et de ne pas s’imaginer corrompu. On imagine avoir subi l’action d’un agent corrupteur. L’homme est corruptible parce qu’il a été corrompu ! On ne s’étonnera donc pas de pouvoir affirmer avec saint Paul que l’homme, créé immortel, « a été corrompu par le péché originel ». Au regard du principe de l’Incorruptible, de l’Éternel, la faute d’Adam a corrompu la perfection originaire de la création. On affirmera aussi bien avec Jean-Jacques Rousseau : « L’homme a été corrompu par la société. » Dans tous les cas, on incrimine une faute, on identifie une responsabilité. Plutôt que d’énoncer que « l’homme est corruptible », et de reconnaître que c’est à la fois son être et un état constant, l’usage a entériné comme une certitude que « l’homme est corrompu », ce qui sous-entend une modification, une altération d’un état originaire, et une cause au processus. C’est ce que nous retrouverons dans toutes les accusations de corruption. On dénonce la dégradation d’un état originaire parfait, d’une incorruptibilité d’origine, et l’action mauvaise d’un agent de décomposition, de dissolution, de dégénérescence. On imagine des catégories qui s’opposent : le sain contre le malsain, la vie contre la mort, le bien contre le mal. On suppose une cause à la mort ! On cherche à réparer ; on trouve à accuser. Supposer une cause à la mort, c’est déjà viser l’éternité. Ne pas se résigner au nécessaire vieillissement, à l’horrible dégradation, à l’inéluctable disparition. Trouver ce qui, dans la nature de l’homme, a corrompu le principe de l’Incorruptible, ouvert une brèche dans le Parfait, et dans l’Éternel a porté la mort. Interpréter le réel de la corruption du vivant, supposer une cause à la mort, identifier un agent du mal, isoler une catégorie corruptrice, telle est la logique de l’Incorruptible. Dénonçons les corrupteurs ! Éliminons les corrompus ! Éradiquons le mal ! Tuons le périssable ! Exterminons la mort !
1984, roman-somme des expériences totalitaires.
L’Incorruptible L’Incorruptible. Un surnom ? Un attribut ? Une épithète ? Non. C’est son être. C’est son nom. C’est Lui. L’incorruptible. L’essence faite existence. Il est l’Incorruptible. Nous, misérables humains, levons vers lui un regard fasciné et empli d’effroi. Il est l’Incorruptible et la Terreur. Vous le croyez mort ? Guillotiné, un matin de juillet 1794. Qui aurait peur d’un spectre ?
Regardez-le, pourtant. Il se lève, il s’avance, il se dresse à la tribune. Étrange assemblée que celle de la Convention. Sept cent cinquante députés serrés sur les gradins, dans l’hémicycle de l’ancienne salle de théâtre des Tuileries. Sans lumière naturelle, dans la semi pénombre mal éclairée par des torches, on se sent enfermé, vaguement oppressé. Derrière la tribune, un immense placard imprimé : la Déclaration des droits de l’homme. De chaque côté, les haches des licteurs. Un brouhaha confus, une agitation bruyante font lever la tête : à l’étage, les loges croulent sous les spectateurs, les curieux, les badauds. Le silence se fait. Il va parler. La lumière grise qui tombe d’une imposte fait surgir la pâleur et la fixité de son visage. Celui-là ne fut pas pétri d’argile, mais taillé dans le marbre. Il chausse ses lunettes et ses yeux balaient l’Assemblée. Tous se figent. Tous sont muets. Vous êtes assis parmi les autres, raidi par l’anxiété, attendant et redoutant ce regard qui vous parcourt sans s’arrêter. Curieuse et désagréable sensation. Ce regard-là vous transperce, mais il ne vous voit pas. Vous êtes fixé par un oeil, et non regardé par un homme. « Citoyens, représentants du peuple, encore un effort ! La Révolution n’est pas finie. Renonçons à nos égoïsmes, à nos ambitions personnelles, à nos intérêts particuliers. Continuons à nous purifier ! Imposons aux nations le modèle d’un peuple libre et juste ! Combattons le mensonge, la cupidité, la corruption cachée. Qu’au nom de la vérité la justice se fasse ! » La voix est mécanique, sans vibrato. Une voix virtuelle. L’ordinateur de la conscience. La voix du surmoi. « Les grands principes, les valeurs morales doivent guider la République. On connaît ceux qui les méprisent. On connaît les intrigants, on connaît les corrompus, on connaît les traîtres. Ils sont dans cette assemblée. Nous les voyons. Nous ne les quittons pas des yeux. Qu’ils regardent au-dessus de leur tête : ils y verront le glaive de la loi. Qu’ils regardent dans leur conscience : ils y verront leur infamie. » Soudain vous vous rendez compte que les rangées de députés sont clairsemées : des trous énormes dans l’hémicycle, des absents, des manquants. Une assemblée à moitié vide. Saisi d’angoisse, vous vous tournez vers votre voisin, et, sans que vous ayez eu à lui parler, il vous répond : en fuite ! En prison ! Guillotinés ! Dans une grimace diabolique, il ricane : la purification en acte ! La justice en marche ! Vous vous sentez de plus en plus mal. Vous pensez à vous enfuir mais, comme dans les cauchemars, vous demeurez sans mouvement. « L’innocence n’a pas peur ! Seul tremble celui qui se sait coupable. » Et voilà que l’Incorruptible vous accuse, vous, personnellement ! Son œil s’est arrêté sur vous. C’est vous qu’il vise. Vous frissonnez. Vous vous connaissez bien. Vous espérez, bien sûr, la pureté d’un monde de vérité et de vertu. Mais vous n’êtes pas un roc. Vous vous accusez… Vous pensez à vos petits intérêts, à vos petits plaisirs, à vos escapades personnelles. Et puis votre famille, pour qui vous souhaitez égoïstement l’aisance et le confort. Il vous serait douloureux de renoncer aux petites jouissances de la vie, à vos modestes secrets. Comment ne pas vous sentir coupable ? Vous êtes vraiment trop attaché à vos privilèges et à vos habitudes. Les accusations, les injonctions redoublent. « Citoyens, exterminons le vice, anéantissons les scélérats et les fripons. Au sein de notre assemblée même, sous le masque du patriote, sous un déguisement hypocrite, se cachent les privilégiés et les impurs. » Vous tremblez. « J’accuse celui-ci, dont la sinistre figure suffit à révéler son crime. » Il vient de lâcher le nom de Fouché. Fouché ? Que lui reproche-t-on ? Enfin, l’accusation ne porte pas sur vous. Quel soulagement ! Au fond, n’a-t-il pas raison, ce Robespierre ? Oui à la morale, à la justice, à la vérité… Débarrassons-nous des profiteurs qui préfèrent leur égoïsme au bien public et à la patrie. Un sentiment agréable et rassurant vous soulève : quel confort, quelle chaleur d’appartenir au groupe, de partager la même bonne cause. Ce Fouché, après tout… Quelle sinistre figure il a, vraiment ! Une figure de traître, c’est sûr. Mort aux traîtres ! Ce Fouché est pourtant un patriote exemplaire. Voilà que maintenant Robespierre l’accuse d’athéisme ! Curieuse accusation. Personne ne bronche.
Enfin, c’est seulement de Fouché qu’on se plaint. C’est Fouché le corrompu, c’est lui dont il faut s’épurer, qu’il faut exclure et guillotiner. Fouché ? Ah, vous vous réveillez de votre cauchemar. Quelle bonne blague ! Fouché, on le connaît depuis toujours ! Le futur thermidorien ! Le futur ministre de la Police de Bonaparte, pis, de Napoléon ! Fouché, le pourri, l’ordure ! Vous reprenez vos aises pour rêver à l’idéal de vertu et de vérité, et vous vous réjouissez, avec les autres, d’être pur. Le cauchemar pourtant vous laisse une sensation de malaise, une vague angoisse. Cette voix, ce regard… L’Incorruptible sonde votre cœur. Il en extrait le moindre reproche que vous pourriez vous adresser. Il est votre justice intime, votre mauvaise conscience, votre culpabilité. Comment, à la porte des Enfers, répondre à Minos ? Devant lui, les âmes des défunts arrivent toutes tremblantes et avouent sur-le-champ, sans qu’il ait à les questionner, tous leurs péchés. Comment répondre au Juge suprême, au juge du Jugement dernier ?
Éloge de la corruption, de Marie-Laure Susini, est paru en 2008 aux éditions Fayard.
Samedi 16 février 2008 – 00:08
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