Lacan et le chinois.

lundi 8 août 2011
par  P. Valas

 

d'un discours
 

Lacan et le chinois
 

à consulter le site : http://www.lacanchine.com/

Au fil de l’enseignement de Jacques Lacan, on rencontre près d’une centaine de références ou d’allusions à la culture chinoise traditionnelle. Ce site a pour ambition d’interroger l’affirmation de Lacan citée en exergue.
Guy Flecher

 

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Lacan et le chinois Lacanchine

 

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Scherrer : la calligraphie chinoise et la naissance du noeud borroméen

peinture chinoise 1
 

Tout votre passage à l’école se résume à peu près comme gain intellectuel à vous avoir fait croire à la grammaire.

Le fait que des mots à signification primitivement sexuelle aient en quelque sorte fait tache d’huile.

Ça se sent d’abord parce qu’aussi bien le fait que des mots à signification primitivement sexuelle aient en quelque sorte fait tache d’huile, quant au champ de la signification, pour arriver à découvrir des significations très éloignées, cela ne veut pas dire qu’il soit démontré que tout le champ de la signification soit pour autant recouvert.
Cela ne veut pas dire que tout ce que nous usons comme langage soit en fin de compte réductible à ces mots clé qu’il donne, et dont évidemment la valorisation, la posture est considérablement facilitée pour la démonstration par le fait qu’on admet
même comme démontré ce qu’il y a de plus contestable, la notion de racine, ou de radical, au sens où la racine et le radical seraient constitutivement, dans le langage humain, liés à un sens.
La mise en valeur des racines et des radicaux dans les langues flexionnelles est quelque chose qui pose des problèmes particuliers qui sont loin d’être applicables à l’universalité des langues.
Ce serait bien difficile à mettre en valeur pour ce qui est par exemple du chinois où tous les éléments signifiants sont monosyllabiques. La notion de la racine devient des plus fuyantes ; en fait, il s’agit bien là d’une illusion liée au développement significatif du langage, de l’usage de la langue, où tout ce qui est racine ne saurait que nous être très suspect.

L’exemple le plus pur du signifiant, c’est la lettre, une lettre typographique. (Bruits divers)

.

Une lettre, cela ne veut rien dire.
Pas forcément.
Pensez aux lettres chinoises pour chacune desquelles vous trouvez au dictionnaire un éventail de sens qui n’a rien à envier à celui qui répond à nos mots.

j’ai, suspendu à ma muraille, ce qu’on appelle une calligraphie chinoise.

 
<écriture chinoise
 

Le fait que des mots à signification primitivement sexuelle aient en quelque sorte fait tache d’huile par où il se distingue du signe.
J’ai fait quelque chose pour vous samedi dernier dans ma maison de campagne où
j’ai, suspendu à ma muraille, ce qu’on appelle une calligraphie chinoise. Si elle n’était pas chinoise, je ne l’aurais pas suspendue à ma muraille pour la raison qu’il n’y a qu’en Chine que la calligraphie a pris une valeur d’objet d’art ; c’est la même chose que d’avoir une peinture, ça a le même prix.
Il y a les mêmes différences, et peut-être plus encore, d’une écriture à une autre dans notre culture que dans la culture chinoise, mais nous n’y attachons pas le même prix. D’autre part j’aurai l’occasion de vous montrer ce qui peut, à nous, masquer la valeur de la lettre, ce qui, en raison du statut particulier du caractère chinois, est particulièrement bien mis en évidence dans ce caractère.
Ce que je vais donc vous montrer ne prend sa pleine et plus exacte situation que d’une certaine réflexion sur ce qu’est le caractère chinois ; j’ai déjà tout de même assez, quelquefois, fait allusion au caractère chinois et à son statut pour que vous sachiez que, de l’appeler idéographique, ce n’est pas du tout suffisant.

Je vous ai parlé à plus d’une reprise, à propos du signifiant, du caractère chinois, et je tiens beaucoup à désenvoûter pour vous l’idée que son origine est une figure imitative

.
 

caractère chinois 1
 

Avec un peu d’efforts vous pourrez vous familiariser avec cette dimension vraiment fabuleuse, qui apparaît de ce qu’on peut faire avec quelque chose qui repose sur les formes les plus élémentaires de l’articulation signifiante.
Par chance, dans cette langue les mots sont monosyllabiques. Ils sont superbes, invariables, cubiques, vous ne pouvez pas vous y tromper.
Ils s’identifient au signifiant, c’est le cas de le dire.
Et récemment, j’entendais quelqu’un qui ne m’entend vraiment pas mal du tout, me répondre, m’interroger, si ce n’est pas là dire que nous nous référons à ce qui de tout signifiant est en quelque sorte la matière imaginaire, la forme du mot ou celle du caractère chinois, si vous voulez, ce qu’il y a d’irréductible à ceci, qu’il faut que tout signifiant ait un support intuitif comme les autres, comme
tout le reste.
Eh bien ! justement non.

J’ai le bonheur d’avoir de petits… enfin, kakemonos, on appelle ça

.
 
kakemono
 

Mais simplement pour rester dans l’actualité, ouvrir le dernier numéro de l’excellente revue qui s’appelle Arts Asiatiques, vous y verrez la traduction d’un très joli petit traité de la peinture par un peintre — dont, heureusement j’ai le bonheur d’avoir de petits… enfin, kakemonos, on appelle ça — qui s’appelle Shitao et qui, ce trait unaire, en fait, ma foi, grand état, il ne parle que de ça, oui ! il ne parle que de ça pendant un petit nombre de pages, et excellentes.
Cela s’appelle en chinois — et pas seulement pour les peintres, car les philosophes en parlent beaucoup — , qui veut dire Un, et huà qui veut dire trait.
C’est le trait unaire.
Il a beaucoup fonctionné, je vous l’assure, avant qu’ici je vous en
rebatte les oreilles.

Nulle langue ne se tient d’une façon plus pure que cette langue chinoise où chaque élément morphologique se réduit à un phonème.

Assurément l’accent à mettre sur l’écriture est capital pour la juste évaluation de ce qu’il en est du langage, et que l’écriture soit première et doive être considérée comme telle au regard de ce qui est la parole, c’est ce qui après tout peut être considéré comme non seulement licite mais rendu évident par la seule existence d’une écriture comme la chinoise où il est clair que ce qui est de l’ordre de l’appréhension du regard n’est pas sans rapport à ce qui s’en traduit au niveau de la voix, à savoir qu’il y a des éléments phonétiques, mais qu’il y en a aussi beaucoup qui ne le sont pas, ceci étant
d’autant plus frappant que, du point de vue de la structure, de la structure stricte de ce qu’il en est d’un langage, nulle langue ne se tient d’une façon plus pure que cette langue chinoise où chaque élément morphologique se réduit à un phonème. C’est donc bien là où ç’aurait été le plus simple, si l’on peut dire, que l’écriture ne soit que transcription de ce qui s’énonce en paroles, qu’il est
frappant de voir que, tout au contraire, l’écriture, loin d’être transcription, est un autre système, un système auquel éventuellement s’accroche ce qui est découpé dans un autre support, celui de la voix.

Je me suis aperçu d’une chose, c’est que peut-être je ne suis lacanien que parce que j’ai fait du chinois autrefois.

++++++++++++Quoi qu’il en soit, oui ! je me suis aperçu d’une chose, c’est que peut-être je ne suis lacanien que parce que j’ai fait du chinois autrefois.
Je veux dire par là que je m’aperçois à relire des trucs comme ça, que j’avais parcouru, mais ânonné, enfin ! comme un nigaud, avec des oreilles d’âne, je me suis aperçu à les relire maintenant que, enfin ! c’est de plain-pied avec ce que je raconte.

Ce que je cause, c’est de l’aigreur, très spécialement du côté des linguistes.

C’est du français, ou du chinois que je vous causerai.
Du moins je le voudrais. Il n’est que trop clair qu’à un certain niveau, ce que je cause, c’est de l’aigreur, très spécialement du côté des linguistes.
C’est de nature plutôt à faire penser que le statut universitaire, ça n’est que trop évident dans les développements qu’impose à la linguistique de tourner à une drôle de sauce [ou chose] ; d’après ce qu’on en voit, ce n’est pas douteux.
Qu’on me dénonce à cette occasion, mon Dieu, ce n’est pas une chose qui a tellement d’importance.
Qu’on ne me discute pas, ça n’est pas non plus très surprenant, puisque ce n’est pas d’une certaine définition du domaine universitaire que je me tiens, que je peux me tenir.

…La linguistique, qui est insoutenable.

Si je fais un usage métaphorique de la linguistique, c’est à partir de ceci, c’est que l’inconscient ne peut se conformer à une recherche, je dis la linguistique, qui est insoutenable.
Ça n’empêche pas de la continuer, bien sûr, c’est une gageure. Mais j’ai déjà fait assez d’usage de la gageure pour savoir, pour que vous sachiez, plutôt que vous soupçonniez que ça peut servir à quelque chose ; c’est aussi important de perdre que de gagner.
La linguistique ne peut être qu’une métaphore qui se fabrique pour ne pas marcher. Mais en fin de compte, ça nous intéresse beaucoup, parce que vous allez le voir, je vous l’annonce, c’est ça que j’ai à vous dire cette année, c’est que la psychanalyse, elle, c’est
dans cette même métaphore qu’elle se déplace, toutes voiles dehors ; c’est bien là ce qui m’a suggéré ce retour comme ça, après tout, on sait ce que c’est, à mon vieux petit acquis de chinois.
Après tout, pourquoi ne l’aurais-je pas entendu pas trop mal quand j’ai appris ça avec mon cher maître Demiéville ?
J’étais déjà psychanalyste.
 
<écriture chinoise>
 

Même si ça fait mal aux entournures à quelques linguistes qui ne savent pas le chinois.

C’est pas mal une langue comme ça !, une langue où les verbes et les plus-verbes — agir, qu’est-ce qu’il y a de plus verbe, qu’est-ce qu’il y a de plus verbe actif ? — se transforment en menues conjonctions.
Ça, c’est courant.
Ça m’a beaucoup aidé quand même à généraliser la fonction du signifiant, même si ça fait mal aux entournures à quelques linguistes qui ne savent pas le chinois.
Moi je voudrais bien demander à un certain, par exemple, comment pour lui la double articulation dont il a plein la bouche depuis quelques années — enfin quand même la double articulation, on en crève ! —, la double articulation, qu’est-ce qu’il en fait en chinois ?
Hein ?
En chinois, voyez-vous, c’est la première qui est toute seule, et puis qui se trouve comme ça produire un sens qui de temps en temps fait que, comme tous les mots sont monosyllabiques, on va pas dire qu’il y a le phonème qui ne veut rien dire, et puis les mots qui veulent dire quelque chose, deux articulations, deux niveaux.
Eh bien ! oui, même au niveau du phonème, ça veut dire quelque chose.
Ça n’empêche pas que quand vous mettez plusieurs phonèmes, qui veulent déjà dire quelque chose, ensemble, ça fait un grand mot de plusieurs syllabes, tout à fait comme chez nous, qui a un sens qui n’aucun rapport avec ce que veut dire chacun des phonèmes.
Alors, la double articulation, elle est marrante là !
C’est drôle qu’on ne se souvienne pas qu’il y a une langue comme ça, quand on énonce comme générale une fonction de la double articulation comme caractéristique du langage. Je veux bien que tout ce que je dis soit une connerie, mais qu’on m’explique ! Qu’il y ait un linguiste ici qui vienne me dire en quoi la double articulation tient en chinois.

L’écriture, ça existe en Chine depuis un temps immémorial.

 
écriture chinoise
 

Comme l’écriture, ça existe en Chine depuis un temps immémorial, je veux dire bien avant que nous en ayons à proprement parler des ouvrages, l’écriture existait déjà depuis extrêmement longtemps, on ne peut pas évaluer depuis combien de temps elle existait ; cette écriture a, en Chine, un rôle tout à fait pivot, dans un certain nombre de choses qui se sont passées, et c’est assez… c’est assez éclairant sur ce que nous pouvons penser de la fonction de l’écriture.
Il est certain que l’écriture a joué un rôle tout à fait décisif dans le support de quelque chose, de quelque chose auquel nous avons à…, cet accès là et rien d’autre, à savoir un type de structure sociale qui s’est soutenu très longtemps et d’où, jusqu’à une époque récente, on pouvait conclure qu’il y avait une toute autre filiation quant à ce qui se supportait en Chine, que ce qui s’était engendré chez nous, et nommément par un de ces phylum qui se trouvent nous intéresser particulièrement, à savoir le phylum
philosophique en tant que, je l’ai pointé l’année dernière, il est nodal pour comprendre ce dont il s’agit quant au discours du maître.

Je prononce bien ou je prononce mal, en tout cas j’ai pas mis le ton, je m’en excuse n’est-ce pas, s’il y a un Chinois ici, ils sont très sensibles à ça, le ton, c’est même ce qui prouve la… une des façons de prouver la primauté de la parole, c’est que sur les quatre façons courantes actuellement, hein, ça veut pas dire que dans le monde chinois, les quatre façons courantes de dire — justement, ça tombe bien — de dire i, ben ça veut dire quatre choses à la fois, et qui ne sont pas du tout sans rapport.

Ça vous apprend beaucoup sur ceci que, que la langue japonaise, elle s’est nourrie de son écriture(dont les caractères sont chinois).

Elle s’est nourrie en quoi ? au titre linguistique bien sûr, c’est-à- dire au point où la linguistique atteint la langue, c’est-à-dire toujours dans l’écrit.

Ça me fascine, les choses qui pendent, kakemono.

Il a fallu sans doute pour ça, que ce petit peu trop qu’il me fallait de ce qu’on appelle l’art, représente quelque chose.
Ça tient dans le fait de ce que la peinture japonaise y démontre de son mariage à la
lettre, et très précisément sous la forme de la calligraphie. Ça me fascine, les choses qui pendent, kakemono, c’est comme ça que ça se jaspine, les choses qui pendent au mur de tout musée là-bas, portant inscrits des caractères, chinois de formation, que je sais un peu, très peu, mais qui si peu que je les sache me permettent de mesurer ce qui s’en élide dans la cursive où le singulier de la main écrase l’universel, soit reprenant ce que je vous apprends ne valoir que du signifiant.
Vous vous rappelez ? un trait est toujours vertical.
C’est toujours vrai s’il n’y a pas de trait.

Petit a ici fait objet d’être enjeu de quel pari qui se gagne avec de l’encre et du pinceau ?

 
peinture chinoise 2
 

Comment dire ce qui me fascine dans ces choses qui pendent, kakémono que ça se jaspine, pendent aux murs de tout musée en ces lieux, portant inscrits des caractères, chinois de formation, que je sais un peu, mais qui, si peu que je les sache, me permettent de mesurer ce qui s’en élide dans la cursive, où le singulier de la main écrase l’universel, soit proprement ce que je vous apprends ne valoir que du signifiant : je ne l’y retrouve plus mais c’est que je suis novice. Là au reste n’étant pas l’important,
car même à ce que ce singulier appuie une forme plus ferme, et y ajoute la dimension, la demansion, ai-je déjà dit, la demansion du papeludun, celle dont s’évoque ce que j’instaure du sujet dans le Hun-En-Peluce, à ce qu’il meuble l’angoisse de l’Achose, soit ce que je connote du petit a ici fait objet d’être enjeu de quel pari qui se gagne avec de l’encre et du pinceau ?

Rature d’aucune trace qui soit d’avant, c’est ce qui fait terre du littoral.

Tel invinciblement m’apparut, cette circonstance n’est pas rien : d’entre les nuages, le ruissellement, seule trace à apparaître, d’y opérer plus encore que d’en indiquer le relief en cette latitude, dans ce qui de la Sibérie fait plaine, plaine désolée d’aucune végétation que de reflets, lesquels poussent à l’ombre ce qui n’en miroite pas.
Le ruissellement est bouquet du trait premier et de ce qui l’efface.
Je l’ai dit : c’est de leur conjonction qu’il se fait sujet, mais de ce que s’y marquent deux temps. Il y faut donc que s’y distingue la rature. Rature d’aucune trace qui soit d’avant, c’est ce qui fait terre du littoral.
Litura pure, c’est le littéral.
La produire, c’est reproduire cette moitié sans paire dont le sujet subsiste.
Tel est l’exploit de la calligraphie.
Essayez de faire cette barre horizontale qui se trace de gauche à droite pour figurer d’un trait l’un unaire comme caractère, vous mettrez longtemps à trouver de quel appui elle s’attaque, de quel suspens elle s’arrête.
A vrai dire, c’est sans espoir pour un occidenté.

C’est sans espoir pour un occidenté.

Les chinois depuis longtemps font appel à deux essences fondamentales qui sont respectivement l’essence féminine qu’ils appellent le Yin pour l’opposer au Yang qu’il se trouve que j’ai écrit – par hasard sans doute – au-dessous.

Le Yin pour l’opposer au Yang.

 
yin yang
 

Il faudrait, bien sûr, prendre les choses au niveau de l’histoire de chaque langue. Parce qu’il est clair que la lettre chinoise, celle qui nous affole tellement que nous appelons ça, Dieu sait pourquoi, d’un nom diffèrent, de caractère, à savoir que la lettre chinoise il est manifeste qu’elle est sortie du discours chinois très ancien, d’une façon toute différente de la façon dont sont sorties nos lettres, à savoir qu’en somme, les lettres qu’ici je sors, elles ont une valeur différente. Et différentes comme lettres parce qu’elles sortent du discours analytique, de ce qui peut sortir comme lettre par exemple de la théorie des ensembles, à savoir de l’usage qu’on en fait et qui pourtant, c’est là l’intérêt, n’est pas sans avoir de rapport ; un certain rapport de convergence, sur lequel j’aurai certainement, dans ce qui sera la suite, l’occasion d’apporter quelques développements.

La langue chinoise c’est sur le noeud qu’elles jouent.

Quand vous approchez certaines langues — j’ai le sentiment que ce n’est pas faux de le dire de la langue chinoise — vous vous apercevez que, moins imaginaires que les nôtres, les langues indo-européennes, c’est sur le noeud qu’elles jouent.

Il m’a en quelque sorte, envahi, le noeud borroméen, qui n’a aucune espèce d’être.

Ce qu’il y a de terrible, c’est que quand nous distinguons un ordre, nous en faisons un être.
Le mot mode dans l’occasion, ça devrait s’éclairer si on donnait sa véritable portée à l’expression mode d’être.
Or, il n’y a d’autre être que de mode, justement.
Et le mode imaginaire a fait ses preuves,
pour ce qui est de l’être du Symbolique. Il a fait si bien ses preuves qu’on pourrait bien se risquer à… à tenter de voir si le mode symbolique n’éclairerait pas de… l’être de l’Imaginaire.
C’est bien ce que j’ai essayé de faire, que vous le sentiez ou pas.
Je voudrais dire en cette troisième session de l’année de ce séminaire, en quoi consiste sa place au séminaire, et son programme.
Et c’est pourquoi je l’ai énoncé en vous parlant tout de suite, d’abord, du noeud borroméen.
Le noeud borroméen que comme ça j’ai vu surgir, enfin, je veux dire qu’il m’a en quelque sorte, envahi, le noeud borroméen n’a aucune espèce d’être.
Il n’a pas du tout la consistance de l’espace géométrique dont on sait qu’il n’y a pas de limites à son coupage en tranches, n’est-ce pas, à sa projection, à tout ce que vous
voulez… et même que ça va plus loin.
Que… ça envahit.
Et c’est bien en ça que c’est instructif : ça envahit l’autre ordre.
Nous sommes tellement capturés par ce mode imaginaire, que,quand nous
essayons de manipuler l’ordre symbolique, nous en arrivons, enfin — souvenez-vous de la façon dont s’abordent les ensembles, on nous parle de bijection, de surjection, d’injection… tout ça ne va pas sans images, en tout cas c’est avec des images que vous les supportez, ces modes pourtant faits pour… pour vous libérer de l’Imaginaire.
C’est avec des petits points que vous vous apercevrez qu’entre un domaine et un co-domaine il y a injection, ou bijection, ou surjection.

L’écriture poétique chinoise.

L’écriture poétique chinoise, c’est paru au Seuil et j’aimerais bien que vous en preniez de la graine, vous en preniez de la graine, si vous êtes psychanalyste, ce qui n’est pas le cas de tout le monde ici.

les poètes chinois ne peuvent pas faire autrement que d’écrire. Il y a quelque chose qui donne le sentiment qu’ils n’en sont pas réduits là, c’est qu’ils chantonnent, c’est qu’ils modulent.

Si vous êtes psychanalyste, vous verrez que ces forçages par où un psychanalyste peut faire sonner autre chose, autre chose que le sens, car le sens, c’est ce qui résonne à l’aide du signifiant ; mais ce qui résonne, ça ne va pas loin, c’est plutôt mou. Le sens, ça tamponne, mais à l’aide de ce qu’on appelle l’écriture poétique, vous pouvez avoir la dimension de ce que pourrait être l’interprétation analytique.
C’est tout à fait certain que l’écriture n’est pas ce par quoi la poésie, la résonance du
corps s’exprime.
Il est quand même tout à fait frappant que les poètes chinois s’expriment par
l’écriture et que, pour nous, ce qu’il faut, c’est que nous prenions la notion, dans l’écriture chinoise,
de ce que c’est que la poésie, non pas que toute poésie, — je parle de la nôtre spécialement —, que toute poésie soit telle que nous puissions l’imaginer par l’écriture, par l’écriture poétique chinoise ; mais peut-être, y sentirez-vous quelque chose,quelque chose qui soit autre que ce qui fait que les poètes chinois ne peuvent pas faire autrement que d’écrire. Il y a quelque chose qui donne le sentiment qu’ils n’en sont pas réduits là, c’est qu’ils chantonnent, c’est qu’ils modulent, c’est qu’il y a ce que François Cheng a énoncé devant moi, à savoir un contre-point tonique, une modulation qui
fait que ça se chante, car de la tonalité à la modulation, il y a un glissement.
Que vous soyez inspirés éventuellement parquelque chose de l’ordre de la poésie pour intervenir, c’est bien en quoije dirai, c’est bien vers quoi il faut vous tourner, parce que la linguistique est quand même une science que je dirais très mal orientée.
Si la linguistique se soulève, c’est dans la mesure où un Roman Jakobson aborde franchement les questions de poétique.
La métaphore, et la métonymie, n’ont de portée pour l’interprétation qu’en tant qu’elles sont capables de faire fonction d’autre chose.
Et cette autre chose dont elles font fonction, c’est bien ce par quoi s’unissent, étroitement, le son et le sens.

C’est pour autant qu’une interprétation juste éteint un symptôme, que la vérité se spécifie d’être poétique

.

Ce n’est pas du côté de la logique articulée, — quoique à l’occasion j’y glisse —, ce n’est
pas du côté de la logique articulée qu’il faut sentir la portée de notre dire, non pas bien sûr qu’il y ait quelque part quelque chose qui mérite de faire deux versants.
Ce que toujours nous énonçons, parce que c’est la loi du discours, ce que toujours nous énonçons comme système d’opposition, c’est cela même qu’il nous faudrait surmonter, et la première chose serait d’éteindre la notion de Beau.
Nous n’avons rien à dire de beau.
C’est d’une autre résonance qu’il s’agit, à fonder sur le mot d’esprit.
Un mot d’esprit n’est pas beau, il ne se tient que d’une équivoque, ou, comme le dit Freud, d’une économie.
Rien de plus ambigu que cette notion d’économie.
Mais tout de même,l’économie fonde la valeur.
Une pratique sans valeur, voilà ce qu’il s’agirait pour nous d’instituer.

L’écriture est un artifice.

Le Réel n’apparaît donc que par un artifice, un artifice lié au fait qu’il y a de la parole et même du dire.
Et le dire concerne ce qu’on appelle la vérité.
C’est bien pourquoi je dis que, la vérité, on ne peut pas la dire.

Dans cette histoire de la passe.

Dans cette histoire de la passe, je suis conduit, puisque la passe, c’est moi qui l’ai, comme on dit, produite, produite dans mon École dans l’espoir de savoir ce qui pouvait bien surgir dans ce qu’on appelle l’esprit, l’esprit d’un analysant pour se constituer, je veux dire recevoir des gens qui viennent lui demander une analyse.
Ça pourrait peut-être se faire par écrit ; je l’ai suggéré à quelqu’un, qui d’ailleurs était plus que d’accord.
Passer par écrit, ça a une chance d’être un peu plus près de ce qu’on peut atteindre du Réel que ce qui se fait actuellement, puisque j’ai tenté de suggérer à mon École que des passeurs pouvaient être nommés par quelques-uns.
L’ennuyeux, c’est que, ces écrits, on ne les lira pas.
Au nom de quoi ?
Au nom de ceci que, de l’écrit, on en a trop lu.
Alors quelle chance y a-til qu’on le lise ?
C’est là couché sur le papier ; mais le papier, c’est aussi le papier hygiénique.
Les chinois se sont aperçus de ça qu’il y a du papier dit hygiénique, le papier avec lequel on se torche le cul.
Impossible donc de savoir qui lit.

Y a sûrement de l’écriture dans l’inconscient.

Y a sûrement de l’écriture dans l’inconscient, ne serait-ce que parce que le rêve, principe de l’inconscient — ça, c’est ce que dit Freud — le lapsus et même le trait d’esprit se définissent par le lisible.
Un rêve, on le fait, on ne sait pas pourquoi et puis après coup, ça se lit.
Un lapsus de même, et tout ce que dit Freud du trait d’esprit est bien comme étant lié à cette économie qu’est l’écriture, économie par rapport à la parole.
Le lisible, c’est en cela que consiste le savoir.
Et en somme, c’est court.
Ce que je dis du transfert est que je l’ai timidement avancé comme étant le sujet — le sujet, un sujet est toujours supposé, il n’y a pas de sujet, bien entendu, il n’y a que le supposé — le supposé-savoir, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
Le supposé-savoir-lire-autrement.

Le supposé-savoir-lire-autrement.


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Commentaires  Forum fermé

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Lacan et le chinois.
dimanche 29 janvier 2012 à 20h52 - par  Bernadette Quent1-Coll1

J.L."C’est sans espoir pour un occidenté.
Les chinois depuis longtemps font appel à deux essences fondamentales qui sont respectivement l’essence féminine qu’ils appellent le Yin pour l’opposer au Yang qu’il se trouve que j’ai écrit – par hasard sans doute – au-dessous.
Le Yin pour l’opposer au Yang…."

GAO XINGJIAN La Montagne de l’âme
p.481 (seulement une partie de cette page pour chanter la poésie

" Fuxi, le luth a fabriqué / Nugua, l’orgue à bouche a inventé / Grâce au yin le langage est né / Grâce au yang le son est né. / La fusion du yin et du yang l’homme a engendré, / Quand l’homme est né, la voie est apparue, / Quand la voix est née, les chants sont apparus, / Quand ils ont été nombreux, des recueils on rassembla. / A l’époque, les livres expurgés par Confucius / Dans un désert ont été perdus, /
Le premier volume par le vent jusqu’au ciel a été soufflé / Et c’est alors qu’est né l’amour entre le Bouvier et la Tisserande. / Par le vent, le deuxième volume dans la mer fut poussé, / Pour épancher son âme le vieux pêcheur l’a récupéré et l’a chanté. / Le troisième volume dans les temples par le vent fut poussé, / Les bonzes bouddhistes et les moines taoïstes, les soutras ont chanté. / Le quatrième volume dans les rues du village est tombé, / Filles et garçons leur amour ont chanté. / Le cinquième volume dans les rizières est tombé, / Les chants des montagnes, les paysans ont entonné. / Le sixième volume, c’est cette « Chronique des ténèbres »,
Pour chanter l’âme des défunts, le maître de chant l’a récupéré."

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Lacan et le chinois.
mercredi 31 août 2011 à 07h27 - par  P. Valas

Lacan ne fait pas de linguistique. Il n’invalide pas non plus les travaux des linguistes que vous citez. Il s’appuie sur la pratique analytique, dont le seul moyen est la parole, pour définir que « le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ». C’est la seule définition du signifiant qu’il soutiendra tout au long de son enseignement - elle n’est pas celle de la linguistique. Le signifiant est pour lui, aussi bien phonème, ou syllabe, phrase, livre entier, voire bibliothèque, etc. Jacobson approuvait Lacan dans cette voie, il est même venu le dire à son séminaire. Les linguistiques étudient le langage. Lacan invente « lalangue », pour situer le champ dans lequel la psychanalyste opère. Elle est donc ailleurs, dans ce que Lacan nomme la « linguisterie ».

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Lacan et le chinois.
mardi 30 août 2011 à 20h40 - par  erikantoine

Pour les gens qui ne connaissent pas la linguistique, quand Lacan fait allusion à un linguiste qui en a plein la bouche de la double articulation, il parle d’André Martinet. Et oui, la double articulation, ça tient en chinois, ce que Lacan fait là, toute mauvaise foi dehors, c’est de feindre de confondre le phonème et la syllabe. La plupart des mots en chinois sont monosyllabiques, ce qui ne veut pas dire que tout phonème (plus petite unité distinctive de sens) fait monème (plus petite unité porteuse de sens) sous prétexte qu’il s’agit du chinois. L’existence du chinois n’invalide pas la linguistique fonctionnaliste, qui pose d’autres problèmes théoriques…
Toute la diatribe anti-linguistique du séminaire 18 n’est absolument pas étayée, mais a, à mon avis, une fonction purement interne au développement de la pensée de Lacan, qui est de se détacher de la linguistique structuraliste, particulièrement solide pour la description phonologique, jadis et aujourd’hui, dont il a fait, sur un mode un peu scientiste, le socle de l’étude « scientifique » de l’inconscient, dans un enthousiasme peut-être un peu rapide.

une des grande faiblesse des psychanalystes lacaniens ne s’informant de linguistique que par les fascinations successives de lacan, par ailleurs largement incompatibles entre elles au niveau conceptuel, c’est d’ignorer à peu près complètement les fondements épistémologiques de la linguistique et ses développements théoriques post-structuralistes. Rien de plus irréconciliables que les approches de Martinet, Jacobson, Benveniste, toutes dans un certain écart par rapport à Saussure, qui est encore un néo-grammairien annonçant un tournant épistémologique majeur.

mercredi 31 août 2011 à 07h33

Lacan ne fait pas de linguistique. Il n’invalide pas non plus les travaux des linguistes que vous citez. Il s’appuie sur la pratique analytique, dont le seul moyen est la parole, pour définir que « le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ». C’est la seule définition du signifiant qu’il soutiendra tout au long de son enseignement - elle n’est pas celle de la linguistique. Le signifiant est pour lui, aussi bien phonème, ou syllabe, phrase, livre entier, voire bibliothèque, etc. Jacobson approuvait Lacan dans cette voie, il est même venu le dire à son séminaire. Les linguistiques étudient le langage. Lacan invente « lalangue », pour situer le champ dans lequel la psychanalyste opère. Elle est donc ailleurs, dans ce que Lacan nomme la « linguisterie ».

mardi 30 août 2011 à 23h30 - par  P. Valas

Lacan ne fait pas de linguistique. Il n’invalide pas non plus les travaux des linguistes que vous citez. Il s’appuie sur la pratique analytique, dont le seul moyen est la parole, pour définir que « le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant ». C’est la seule définition du signifiant qu’il soutiendra tout au long de son enseignement - elle n’est pas celle de la linguistique. Le signifiant est pour lui, aussi bien phonème, ou syllabe, phrase, livre entier, voire bibliothèque, etc. Jacobson approuvait Lacan dans cette voie, il est même venu le dire à son séminaire. Les linguistiques étudient le langage. Lacan invente « lalangue », pour situer le champ dans lequel la psychanalyste opère. Elle est donc ailleurs, dans ce que Lacan nomme la « linguisterie ».