Patrick Valas, « L’effet de l’interprétation, on ne peut en calculer la jouissance » (J. Lacan - Les non-dupes errent - 20/XI/73)

dimanche 3 juillet 2011
par  P. Valas

Freud Lacan
 

L’INTERPRÉTATION DANS LA CURE PSYCHANALYTIQUE

"L’effet de l’interprétation, on ne peut en calculer la jouissance"

(J. Lacan - Les non-dupes errent - 20/XI/73)

Tout discours ne s’agençant que du semblant au regard du réel qui le conditionne, la règle du jeu impose au sujet le calcul de ses rencontres. On sait quelle connotation de jugement comporte ce terme. Dans notre champ le calcul entre aussi dans la stratégie du sujet et prend une place de choix dans sa détermination. Les termes de déchiffrage du sens et de chiffrage de la jouissance en manifeste le mode de présence dans le calcul de l’interprétation, qui en déplace cependant l’accent, la visée et la valeur.
En effet à ce sujet trompeur par essence, il est demandé dans la cure comme analysant de suivre la seule règle qui vaille : Dire, dire non pas n’importe quoi car pour le faire il faudrait vachement calculer, mais de dire ce qui lui vient tout cru à l’esprit, sans jugement, sans calcul - un travail de rêve en somme. L’idéal serait qu’il ne manifeste pas son inertie de sujet sur l’implacable déroulement de la chaîne signifiante qui le suspend au désir de l’Autre, afin que puisse en émerger au hasard de son discours les seules rencontres qui comptent.
Pour Freud c’était un risque absolu - il inventait la psychanalyse. Pour nous, avec ce qui s’est déposé comme savoir à partir de cette expérience qui dure depuis plus de trois quarts de siècle, c’est un pari calculé. On sait bien que le pire pourrait être le meilleur. Le symptôme par exemple, ce qui ne cesse pas de s’écrire comme néces¬saire au sujet pour parer à la mauvaise rencontre, le symptôme pourrait bien par le bon heurt de l’interprétation trouve à se dissoudre dans le réel libérant ainsi le désir du sujet dans cette rencontre contingente avec la vérité de sa jouissance.

Dans le discours analytique le calcul est du côté de l’analyste, à lui incombe le calcul de l’interprétation dans la direction de la cure.

Donc l’analyste calcule, l’analysant compte. C’est de ce qu’il compte, même à n’avoir compté pour rien ou trop dans le désir de l’Autre qu’il émet la plainte d’où part sa demande adressée à l’analyste - analyste le plus souvent choisi - même si ce choix peut se révéler être après coup un choix forcé - choisi par une série de hasards et de coups de dés diversement confus ou heureux du fait même de l’écran de l’amour de transfert.
Tout n’est pas signifiant chez le parlêtre - sinon le computage subjectif serait sans difficulté, de sorte que le calcul de l’inter¬prétation se heurte à une limite que désigne mon titre repris d’une
citation de Lacan : "L’Effet de l’interprétation, on ne peut en calculer la jouissance" (Les N. d. P. - Séance du 20 novembre 73). Ça aura bien sûr toutes sortes de conséquences sur le calcul de l’interprétation, dans son moment, ses modalités, sa visée, ses effets.

Donc l’analyste calcule, l’analysant compte.

Lacan, je pourrai en donner de nombreuses citations, Lacan n’hésite pas à parler de chance de l’analyste dans la juste incidence de l’interprétation, à cause de la jouissance.
Si on peut parler de calcul dans la dimension d’un pari, puisque le sujet parie sur l’Autre sachant (le S. s. S.) la cause de sa mauvaise rencontre, le terme de chance est incontournable, la réponse de l’analyste ne pouvant pas trouver dans 1’Autre barré le garant de sa certitude - la vérité du sujet touchant à la jouissance où s’abolit le savoir.

L’expérience analytique porte au cœur de 1’automaton et de la Tuché

.
Tuché, dont on sait que Lacan lui redonne sa valeur de tranchant à sa place effacée dans le discours de la science.

Ça peut s’entendre ainsi : II n’y a pas de sécurité sociale mais que tout soit livré à la fortune chez le parlant n’est pas raison pour autant que le calcul de l’interprétation soit livré au petit bonheur la chance - ça devrait même être le contraire.

Il y a des interprétations qui produisent des effets de confusion inoubliables.

Elles ne sont pas franchement fausses, car elles ont à voir, ne serait-ce que dans un rapport d’horizon avec les significations confuses dans lesquelles le désir du sujet est empêtré, le fixant ainsi à la jouissance exténuée de ses symptômes qui se renouvellent. C’est pourquoi d’ailleurs le sujet reconnaît un air de parenté et même parfois d’inquiétante étrangeté avec l’erre de son désir.

Grâce à ce malentendu de structure l’analyse se poursuit jusqu’à buter sur des impasses forgées par l’analyste s’il persiste dans ses erreurs - névrose de transfert on appelle ça. Il est difficile d’en sortir le sujet. Heureux les cas où de ne pas s’en satisfaire, le compte n’y étant pas, le sujet veut reprendre une analyse, espérant renouveler ce qu’il attendait du régime de sa rencontre avec le sujet-supposé-savoir. Comment un analyste alors, nouvellement consulté peut-il répondre de ce qui a été élaboré antérieurement et dont il ne saurait connaître les racines ?

Ce qu’un analysant appelle habituellement l’acquis d’une cure précédente se révèle le plus souvent résulter sans doute de la simplification de ses symptômes - s’y habituer d’ailleurs à l’occasion peut en rendre la charge plus légère - mais la question n’est pas réglée tant qu’on n’a pas touché au fantasme fondamental, de sorte que le plus souvent ce répit est provisoire, lié au déplacement des significations du symptôme plus qu’à l’éclairage de son sens de jouissance.

Son retour sous des formes masquées est alors inéluctable. On peut bien approcher la structure du symptôme sans pour autant modifier la position du sujet qui n’est obtenue que de la traversée du fantasme dont dépend le terme logique d’une analyse. Même dans ce cas il s’agit moins pour le sujet de l’acquisition d’un savoir définitif que du savoir acquis de la possibilité pour lui de tenir une position éthique. Il peut en effet tout au plus espérer d’une cure savoir y faire avec son symptôme, puisque l’analyse ne consiste pas à en être débarrassé, mais à savoir de quoi on est prisonnier

Autrement dit ça n’est jamais gagné.

D’une cure qui n’a pas été menée jusqu’à son terme résulte le plus souvent un brouillage des pistes.

On ne reprend pas une cure, tranche par tranche, mais on commence une nouvelle cure qui ne peut se faire qu’à la condition de défaire ce qui a été construit précédemment avec un autre analyste bien sûr.

Cela rend spécialement difficile non seulement la tâche de l’analysant mais aussi pour l’analyste le calcul de l’interprétation pour 1’effectuation de son acte.

Le passage d’un analyste à un autre ?

Le passage d’un analyste à un autre en tant que s’y transmet l’héritage du S-s-S non destitué comme dépositaire des lettres en souffrance de l’analysant ne peut s’effectuer sans rupture.

La chance du côté de l’analyste, la vérification du côté de l’analysant, la comptabilité au niveau de l’inconscient.

Je vais tâcher d’illustrer ça d’un exemple clinique qui me parait dans sa singularité avoir une portée plus générale, mais aussi bien ne nous éloigne nullement des difficultés rencontrées habituellement dans toute cure.
Pour le calcul de 1’interprétation je situerai :

- a) la chance du côté de l’analyste

- b) la vérification du côté de l’analysant

- c) la comptabilité au niveau de l’inconscient.

- a) L’analyste doit compter sur sa chance, car il dépend de la lecture que fait l’analysant de ses interprétations. Ce qui est incalculable de leurs effets est ce qui pour le sujet fera j’oui-sens de la jouissance. A cet égard l’interprétation pose plus une question qu’elle n’apporte une réponse en coordonnant un déchiffrage de sens au chiffrage nouveau de la jouissance. Le risque est du côté de l’analysant, celui de l’analyste étant second.

- b) Le ressort de la vérification est du côté de l’analysant.

Non pas dans ce qu’il confirmerait en reconnaissant (voire en infirmant) le bien dire de l’interprétation mais dans ce qui s’en produira comme suite, même à son insu, dans une concaténation signifiante - l’interprétation n’étant pas pliable à tous les sens. L’analysant en outre peut s’efforcer de contrôler ce que dit l’analyste en le mesurant à l’aune des interprétations reçues dans une cure précédente. Cela ne signe pas une position perverse du sujet mais la nécessité pour lui de retrouver les pas perdus de son parcours. Autant de pièges : tendus à l’analyste par le sujet trompeur qui de l’Autre ne, veut pas être trompé.

- c) Heureusement, si l’on peut dire, il y a l’inconscient qui compte les coups et qui répète toujours la même chose, c’est-à-dire le symptôme, soit ce qui cloche dont la cause est à trouver jusqu’à ce que le compte soit bon.

Lacan nous dit : "il y a du comptable dans l’inconscient"… et plus loin : "il est extrêmement maladroit mais il doit compter dans le genre de ces nœuds"(Lacan évoque les Nœuds Borro) "c’est de là que procède ce fameux sentiment de culpabilité, qui fait les comptes et ne s’y retrouve pas, ne s’y retrouve jamais". (R.S.I. 14 janvier 75 - Ornicar 3 p. 101).
La cure dont je parlerai est justement marquée du sceau de tout ce qui a été construit dans une cure précédente.

Cette analysante n’avait pas l’innocence au regard de l’analyse que l’on souhaite rencontrer.

Rien de ce qu’elle disait ne devait avoir de valeur au regard de l’authenticité des ineffables sentiments qu’elle ressentait et que "les mots ne peuvent traduire".

A travers tout ce qu’elle disait on pouvait cerner qu’elle avait entrepris une cure avec quelqu’un pour qui la fonction de la parole et le champ du langage étaient spécialement dévalués, c’est ce trait qui la signait.

Il est vrai que si la cure dépend du désir de l’analyste qui est une structure, elle n’en reste pas moins marquée même après son terme logique des traits qui particularisent cet analyste - c’est-à-dire tout ce qui marque son rapport non seulement à ses analysants mais aussi à la psychanalyse.

Ça peut d’ailleurs aller suffisamment loin pour que Lacan ait pu avancer qu’il y a des sujets dont la cure, à cause de leur analyste, a eu pour résultat de leur barrer irrémédiablement la route au sens de Freud.
Dans les premiers entretiens, cette analysante me fait part d’une
décision qu’elle a prise de revenir vivre à Paris.

Elle motive la raison de sa demande dans le vœu qu’elle a de reprendre une analyse commencée ailleurs dans une ville de province et que son récent déménagement l’a obligée à interrompre pour la raison de son éloignement.

Cependant même si elle se montre très déterminée dans son choix de vivre à Paris, cette décision déjà accomplie prend quand même l’allure d’un drame.

Elle pense que l’interruption "forcée" (c’est son terme) de sa cure n’y est pas totalement étrangère, aussi a-t-elle décidé d’en poursuivre le travail, mais à Paris, « pour des raisons de commodités matérielles uniquement", me précise-t-elle.
Son analyste lui aurait interprété son départ comme une fuite, ce qui n’a pas été sans la plonger dans le plus profond désarroi, alors qu’elle se trouvait dans un moment difficile. Pour couper court à l’obligation qu’il lui aurait intimée de poursuivre avec lui par cette intervention, elle a voulu reprendre l’initiative de ses actes.

Une analyse ça ne doit pas être une obligation mais un choix.

en faisant ce choix de poursuivre son analyse avec quelqu’un d’autre. "Une analyse", me dit-elle, "ça ne doit pas être une obligation mais un choix qui doit se payer".

C’est ce choix qu’elle veut pouvoir renouveler en venant me voir.
Parfaitement rodée à la règle fondamentale, elle associe suffisamment librement pour n’avoir jamais à répondre de ce qu’elle soulève dans ses propos. Elle voudrait même échapper à la confrontation du face à face en allant le plus rapidement possible sur le divan.

Sa vie est faite d’une suite de malheurs auxquels elle ne comprend rien, tout lui vient des autres. En particulier elle vient d’avoir un petit garçon sans savoir pourquoi, d’un homme qu’elle n’aime pas. L’enfant est confié aux soins de sa belle famille qui les ont recueillis, mais dont elle a horreur.

Elle se dit incapable d’élever son fils et a entrepris sa cure sous la pression de son entourage. Sans abandonner vraiment l’idée d’élever un jour cet enfant, elle n’en veut plus rien savoir afin de pouvoir refaire sa vie autrement.

Ce qui insiste dans tout ça, c’est une très grande réticence à
parler de ce qui s’est passé dans son analyse pour aboutir en ce point de catastrophe, mais elle est absolument déterminée à ne plus aller revoir cet analyste.

Elle est venue me demander, dit-elle : "de l’aider à tourner la page".

Elle est venue me demander, dit-elle : "de l’aider à tourner la page".

Ce à quoi je lui réponds : "tourner la page, ça sûrement pas". S’il y a une chose, me semble-t-il, à ne pas faire dans l’analyse c’est de tourner la page. On y retourne plutôt pour la lire jusqu’à plus soif.

Je ne donnerai pas à cette intervention valeur d’interprétation,
néanmoins je crois que si je n’étais pas intervenu dans ce sens dès
le départ je l’aurai certainement fourvoyée dans une nouvelle impasse.
Elle en était coutumière comme en témoignent ses nombreux passages
à l’acte.

Là, si je n’ai pas eu de chance, mais elle heureusement oui.

En effet, elle ne vient pas aux rendez-vous suivants, et je n’aurai aucune nouvelle pendant plus d’un mois, malgré une lettre. La raison de cette absence est liée à mon intervention, comme elle va me le confirmer à son retour.

Elle ne l’a pas supportée et la seule issue qu’elle a trouvée comme réponse à cette rencontre d’un impossible à contourner, c’est de faire une tentative de suicide.

Heureusement elle n’a pas mis toute la gomme. Le sentiment de culpabilité éprouvé de sa dérobade lui a fait cruellement ressentir comme un devoir la nécessité d’envisager sérieusement la cure.

Profitant de cette bonne ouverture dans l’aveu de la vérité,
je lui demande de me dire ce qui l’avait particulièrement retenue dans sa cure précédente, et en effet elle se rappelle très précisé ment qu’à la fin d’une séance dont elle a oublié le contenu, elle a demandé à son analyste sur le seuil de sa porte, comme un renseignement, où pourrait-elle "trouver en ville des mèches de bougies ?"

Elle s’est entendue répondre : "Vous me demandez ça parce que vous
voulez être un garçon.
"

Je ne sais pas trop ce qui a pu justifier une pareille interprétation, sinon qu’il s’agit d’une hystérique.

Cependant, il faut mesurer la pertinence de cette interprétation dans l’écart entre l’interrogation du sujet qui se pose la question de sa féminité par la procuration d’une identification imaginaire à un homme et celle d’une identification réelle à une position masculine comme dans l’homosexualité.

L’effet produit par cette interprétation a été un immense ravissement, rien ne lui a semblé plus juste, et aussi sec elle se précipite chez un coiffeur pour se faire couper les cheveux à la garçon.

Bel exemple d’acting-out qui se confirme comme tel dans la visée de son désir dont il renouvelle la question. Avec son nouveau look (ce n’était pas encore la mode puisque ça date de huit ans), elle va se balader en ville plus provocante que jamais.

Elle a l’impression d’incarner la femme qu’il faudrait à tous ces
hommes fascinés qu’elle allume pour sa plus grande satisfaction.

Après ça, elle estime ne plus avoir besoin de poursuivre son analyse,
étant parvenue à réaliser son soi-disant désir suggéré par l’analyste.

Seulement voilà, ce n’est pas tout à fait ce qu’elle cherchait, le but n’étant pas à confondre avec les moyens de sa stratégie, et tout ça finit par la laisser dans la plus profonde insatisfaction d’un désir suspendu à l’attente d’une réalisation authentique.

L’effet d’euphorie de sa nouvelle pantomime s’estompant, elle sombre peu à peu dans un état dépressif, les choses de sa réalité quotidienne ne manquent pas de se rappeler à elle.
Elle a cependant décidé de ne plus retourner chez cet analyste, et même de quitter cette ville où se focalise tout ce qui fait
son horreur : analyste, belle-famille, enfant, bonhomme.

Le rêve.

Après cette séance particulièrement révélatrice, elle va me
rapporter à la séance suivante un rêve :

"Je vais chez mon analyste, je suis dans un train, j’étais toujours dans le train, d’ailleurs c’est pour ça que j’ai voulu le quitter. (Elle parle de cette période où déjà installée à Paris, elle s’y rendait encore)’. J’arrive en gare d’Angers, puis soudain prise de peur, je décide de ne pas y aller, je reprends le train en sens inverse et je m’aperçois que c’est comme ça que j’ai quitté mon analyste d’Angers, je me réveille soulagée". Je saisis ça au vol et lui dit :

"L’analyste danger c’est ça".

Là, j’étais justifié de ce qui précède. Il fallait trancher.

L’analyste danger c’est ça.

Non pas bien sûr parce que les analystes d’Angers seraient plus dangereux que les autres, ils ne le sont pas plus, mais pas moins non plus d’ailleurs - je ne m’en excepte pas. On a comme ça à faire avec des signifiants qui nous tombent du ciel, eux ils ont celui danger et nous Pari, ce m’est pas mieux.

Je ne suis pas seulement justifié, mais forcé par son appel dans le discours de l’analysant si en effet l’interprétation "doit être preste pour satisfaire à 1’ entreprêt, de ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parie que du père au pire" (pour citer Lacan dans son télévision).

Dans le calcul de l’interprétation, le moment choisi est celui du moment de conclure dans la hâte d’un dire de l’analyste - si c’est un acte.

Dire ici est un mode d’énonciation jouant de l’équivoque signifiante.

L’analyste d’Angers redoublé de l’analyste danger

Cela fait coupure de sens mais ça repose sur le même savoir.

De l’interprétation la structure c’est la coupure et à cet égard point n’est besoin qu’elle soit même une énonciation, un silence aussi bien, s’il fait ouverture obtenue à condition de ne pas la boucler. Soulignage, scansion, levée de la séance ont aussi valeur d’interprétation, s’il s’agit d’actes.

Mais toute intervention de l’analyste s’il n’est pas un acte n’est pas interprétation.

Analyste d’Angers, Analyste danger.

Une interprétation dans l’analyse c’est aussi bête que ça, une invention de l’analyste à partir des trouvailles de l’analysant qu’il entend de traviole.

Avec cet exemple, on va compléter le statut de l’interprétation :

- son moment = la hâte

- son mode = 1’énonciation, dont relève le désir de l’analyste.

- son matériel = l’équivoque signifiante

- sa visée = la cause du désir de l’analysant :

Ici, représentée par l’analyste, l’autre qui m’a précédé, mais aussi bien moi, car après tout cette énonciation est la mienne.

Elle désigne, c’est mon intention, l’analyste danger, mais au delà, et à mon insu qu’on touche ici au désir de l’analyste en tant qu’il est à la place de l’objet petit "a" comme semblant, divisant le sujet, causant son désir. Pour insister en tant aussi qu’il est risque de rencontrer le désir de l’analyste - je l’ai dit, je ne m’en excepte aucunement - ceci éclaire rétroactivement le sens de sa tentative de suicide, d’avoir voulu échapper à ce risque.

Quant aux effets de l’interprétation, ils sont doubles :

- D’une part, il y a des effets de sens : au delà de la signification de l’analyste danger, elle procède au déchiffrage de son désir en donnant sens à sa valeur de vérité dans son insistance même. Ainsi a-t-elle voulu en assumer le choix en revenant me voir pour passer outre à tout impératif surmoïque. Le signifiant qui
S’en produit chute alors, a/S2 ---- » $/S1 (analyste danger) libérant la métonymie désirante.

- D’autre part : il se produit un chiffrage nouveau de sa jouissance, car dans un premier temps elle avait reçu cette interprétation non sans quelque perplexité.

Ce qui est venu en confirmer la valeur, ce n’est pas son approbation car à la limite elle n’en veut rien savoir et n’abonde pas dans ce sens.

L’analyste est trop idéalisé par elle pour qu’elle puisse porter atteinte à l’image de l’Autre qu’il représente.

Ce n’est pas une réponse qu’elle a reçue mais une question qui se renouvelle. La question oubliée de son mode de jouissance qui lui revient sous la forme du symptôme déterminant qui l’a conduite à demander une analyse, avant que les choses ne prennent pour elle leur tournure de catastrophe.

Une frigidité persistante est le motif principal de sa plainte. Elle a peur du désir que peut lui manifester un homme, et lorsqu’elle fait l’amour elle reste de glace.
Elle a l’impression d’en regarder la scène comme si elle n’était pas présente, avouant cependant une vague jubilation de s’imaginer à la place de l’homme pénétrant une femme non consentante.

Par ailleurs, au contraire, elle peut trouver sans difficulté une grande satisfaction dans la masturbation en agitant des pensées de viol par des hommes anonymes.
Renouvelée par l’interprétation, la question du désir et de la jouissance se pose à nouveau à partir du symptôme dont le sens de réel, c’est-à-dire de jouissance est à trouver dans l’émergence du fantasme qui le cause.

Nous somme là dans le vif du sujet. La cure peut vraiment commencer.

Patrick Valas Juin 1987-Juillet 2011