Poster un commentaire à la suite de l’article...

dimanche 23 août 2015
par  P. Valas

Le crépuscule d’une idole : Commentaires raisonnés. Patrick Valas.

En finir avec Freud : la jouissance de l’idiot !

En réponse à...

Logo de P. Valas
dimanche 30 mai 2010 à 16h50 - par  P. Valas

Pour en finir avec Onfray, par Christian Dubuis Santini (dézingueur graphique :)

La dernière publication du culturiste médiatique Michel Onfray a provoqué une avalanche de pixels.

De quoi Onfray, l’homme-aura, est-il le symptôme ?

Les psychanalystes sont montés au créneau, les journalistes ont nourri le feu, l’éditeur s’est frotté les mains.

Pourquoi la psychanalyse se trouve-t-elle aujourd’hui signifiée par un interlocuteur aussi insignifiant que Monsieur Onfray ?

Que sont les psychanalystes devenus pour avoir à répondre de leur pratique et de leur clinique au sophiste auto-proclamé nietzschéen, hédoniste et prônant un « érotisme solaire » ?

Une réponse s’impose : la psychanalyse s’est convoquée elle-même à répondre de son sujet.

Qu’est-ce que le sujet de la psychanalyse ?

Le sujet de la psychanalyse se donne dans la formule lacanienne : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend. »

• « ce qui s’entend » : quelque chose se donne à entendre, simple bruissement de la langue peut-être, pré-supposant néanmoins un sujet, un sujet de l’entente, si ce n’est de l’entendement.

• derrière « ce qui se dit » : ce qui se dit c’est l’énoncé, la forme du propos, quelque chose se dit, s’énonce, sous cette forme-là précisément, et qui suppose à son tour un sujet de l’énonciation, qui parle.

• « qu’on dise » : voici le sujet « qu’on » si l’on peut dire, celui qui reste oublié, le « qu’on » de l’histoire, le sujet de l’énonciation.

Toute la psychanalyse tient là-dessus.
Et sur l’objet petit « a » qui lui est indissociable.

En deçà de ces questions : sujet (de l’énonciation) et objet (petit « a ») c’est simple, la psychanalyse en tant que théorie n’est pas abordée.

« Qu’on » blablate, « qu’on » tchatche, « qu’on » voicigalateparimatche, est précisément le plus sûr moyen pour le sujet postmoderne d’éviter sa confrontation avec la théorie psychanalytique.

L’invention de la psychanalyse peut se résumer en une formule : « wo es war soll ich werden ». Cette formule qui signe le génie freudien pose la question du sujet restée en souffrance depuis le cogito cartésien : qui est « je » ?

Je est un autre.

En souffrance comme une lettre est dite « en souffrance ».

Je doi(t)(s) advenir.
Je peu(t)(x) advenir car une place lui est de tout temps ménagée, par le « ça » qui en jouit.

La jouissance de l’idiot Onfray occupe la place du sujet de la psychanalyse.

Comment s’en étonner quand certains psychanalystes eux-mêmes font le je(u) d’Onfray ?

La psychanalyse comme l’art ou la philosophie (authentique) est avant tout quête de vérité.

Et la vérité ne prend pas son statut de la certitude du vrai d’un quelconque énoncé, mais de la certitude des conséquences à venir pour le sujet qui l’énonce.

Quelle est donc la vérité d’Onfray ? Il suffit d’inverser le titre de son « pamphlet » : Onfray est l’idole d’un crépuscule.

La civilisation occidentale atteint sa phase crépusculaire, conformément aux prophéties de Nietzsche qui en avait souligné l’inéluctable par la progressive prise de pouvoir des « médiocres » colonisant toutes les sphères de l’activité humaine, y compris celles de l’art et de la pensée. (c’est bien la seule légitimité « nietzschéenne » dont peut se prévaloir le médiocre Onfray…)

Pour percevoir le déclin de cette civilisation, et le crépuscule de la raison qui la fonde, encore faut-il se souvenir que sa naissance en Grèce il y a deux mille cinq cents ans, fut l’effet d’une bascule du statut de la « parole », du « mythos » au « logos » (les deux mots signifiant parole) ouvrant ainsi la voie d’une pensée rigoureuse, structurante, précise, condition sine qua non de l’invention démocratique, et partant du Politique.

Aujourd’hui la structure, la rigueur et la précision du logos visant le Réel sont ensevelis par des flots d’images. La réalité virtuelle fait directement écran au Réel qui en constitue le point aveugle.

Internet a inauguré un nouvel espace mythologique, et le mouvement de balancier change de sens, le logos comme parole et pensée ouvre désormais l’espace aux nouveaux mythologèmes de la réalité digitalisée.

Est-ce bon, est-ce mauvais ?

Cela dépend en grande partie de la conscience portée aux images, car l’image peut aussi se constituer en langage, avec sa grammaire et sa syntaxe propres déployées dans l’espace, en contrepoint au déploiement temporel de la parole.

La théorie psychanalytique construite sur le rébus du rêve est donc loin d’être dépassée, son grand midi (dans notre mi-dit) arrive au contraire, la survenue des nouveaux mythes forçant le sujet de la post-modernité à questionner son désir dans la réalité virtuelle où il se trouve de facto immergé.

C’est pourquoi en ces temps troublés où la théorie psychanalytique est déclarée obsolète par les neuro-sciences, où le capitalisme technicisé fait apparaître la philosophie de Kant, Hegel ou Marx comme des antiquités dépassées, nous réaffirmons au contraire la profonde solidarité des arts visuels avec cette forme de pensée.

Ainsi parlait Nietzsche : « Penser au stade primitif (pré-organique), c’est réaliser des formes, comme des cristaux. Dans notre pensée, l’essentiel consiste à intégrer les données nouvelles dans les schèmes anciens (= lit de Procuste), à réduire la nouveauté à l’identité. » (in La volonté de puissance, Tel Gallimard, aphorisme 57, p 238-239)